« Le service minimum va aggraver la situation »

Pauline Graulle  • 28 juin 2007 abonné·es

Jean-Marc Fontaine, membre du bureau fédéral de SUD-Rail, explique en quoi le service minimum dans les transports est inapplicable.

Vous invoquez deux arguments contre la mise en place du service minimum : il existe déjà et il est techniquement impossible à mettre en place. N’est-ce pas contradictoire ?

Jean-Marc Fontaine : Le service minimum prévu par la SNCF est différent de celui voulu par Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui, la SNCF arrive à gérer un flux « régulier » de trains en cas de grève. Elle mène une étude sur le nombre de grévistes et décide d’un plan d’urgence : par exemple, mettre un train sur deux, un train toutes les heures… Cela, tout au long de la journée. Or, ce que veut Nicolas Sarkozy, c’est un service maximum le matin et le soir. Ce qu’on ne peut réaliser techniquement, parce qu’on ne peut pas s’arrêter à 10 h et laisser les trains sur les voies jusqu’à 16 h. Il faut les garer, ramener certains trains aux terminus, effectuer des contrôles de freins, et préparer le service du soir… Il faudrait donc revoir toute l’organisation ferroviaire ! Mettre en place deux services maximums parce que le président Sarkozy se fiche de ce qui se passe entre 10 h et 16 h revient en fait à effectuer un service total le matin et le soir, ce qui impliquerait que 75 à 80 % du personnel travaillent. Quand Sarkozy dit : « On ne touchera pas au droit de grève » , soit ce n’est pas vrai, soit ce n’est pas possible.

Pourtant, Nicolas Sarkozy fait souvent référence aux pays européens qui ont déjà un service minimum…</>

Dans ces pays, le cahier des charges est tellement restrictif que la grève devient illégale ou n’existe plus. En outre, en Italie, en Angleterre ou en Allemagne, on a vu le déclin des transports ferroviaires, qui sont devenus plus dangereux. En France, on a encore une sécurité de circulation qui, même si elle se dégrade, est l’une des meilleures d’Europe. La productivité des chemins de fer français reste l’une des plus fortes au monde. Mais le service minimum va aggraver la situation et entraînera aussi des mobilisations encore plus radicales, car plus la loi est stricte, plus elle entraîne de l’illégalité.

Avez-vous exposé ces risques au gouvernement ?

Non, puisque nous n’étions pas invités à la présentation de l’avant-projet de loi par Xavier Bertrand. Fondamentalement, nous pensons que le Président et le gouvernement se trompent de sujet, parce que même les organisations d’usagers nous disent que le souci n’est pas le service minimum. C’est le service tous les jours ! Aujourd’hui, la moindre difficulté rencontrée sur le réseau en région parisienne entraîne des perturbations en cascade très difficiles à gérer. Alors, imaginez avec un service réduit ! Sarkozy ne peut pas se prévaloir d’une demande des Français. C’est véritablement une volonté politique de droite qu’il faut qu’il assume comme telle. Le service minimum ne réglera pas les problèmes de fond du transport au quotidien.

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