Bienheureux les riches… ils le seront encore plus

Selon une étude, les revenus du patrimoine connaissent une hausse considérable. Les raisons : la financiarisation de l’économie et les cadeaux fiscaux octroyés aux plus aisés.

Jean-Baptiste Quiot  • 26 juillet 2007 abonné·es

C’est le retour du capitalisme euphorique du XIXe siècle. C’est du moins ce que donne à penser l’étude réalisée par l’économiste Camille Landais, de l’École d’économie de Paris. Révélée fin juin [^2], l’étude établit et analyse la forte croissance des inégalités depuis 1998. Selon l’auteur, on assiste actuellement à une « explosion des hauts revenus » . Les chiffres, tirés de sources fiscales exhaustives, sont parlants : les 350 000 foyers les plus aisés ont vu leurs revenus croître de 19 % en huit ans, alors que l’augmentation du revenu de 90 % des Français « n’est même pas supérieure à 5 % » . Mais c’est pour les plus riches que la croissance est prodigieuse : 0,01 % de la population, soit les 3 500 foyers les plus aisés, ont vu leurs revenus augmenter de 42,6 % pendant la même période. « Cette très forte divergence des destins entre les foyers à hauts revenus et le reste de la population » s’explique par la part importante du capital patrimonial dans les hauts revenus. Les revenus fonciers et mobiliers ont en effet cru de 31 % en huit ans.

La croissance des revenus fonciers, liée à la vigueur du marché immobilier et à la hausse des prix de vente et de location, confirme le rôle dominant d’un capitalisme traditionnel, mais dans une version financiarisée et mondialisée. En effet, ce sont les capitaux mobiliers et les dividendes des revenus de placements en actions qui « ont connu la croissance la plus spectaculaire » . L’étude en donne la raison : « le fort développement des marchés financiers et l’internationalisation des marchés de capitaux qui induisent une concurrence accrue parmi les entreprises pour l’attraction des capitaux » . Et pas seulement « parmi les entreprises » . Les gouvernements espèrent eux aussi attirer les capitaux grâce à une fiscalité attrayante. « Cette évolution de la fiscalité a fortement amplifié l’explosion des inégalités » et confirme le passage d’un modèle égalitaire à un modèle anglo-saxon, explique Camille Landais.

Pour le Syndicat national unifié des impôts (Snui), « force est de constater » qu’il existe « un mouvement de recul sans précédent de l’imposition du patrimoine, et ceci alors que 10 % des ménages détiennent 46 % du patrimoine » . La précédente législature avait déjà permis à la droite de baisser les taux marginaux supérieurs de l’impôt sur le revenu et de fixer un bouclier fiscal à 50 %. Cela alors que les inégalités salariales ont flambé depuis huit ans, avec une augmentation comprise entre 14 et 51 % pour les mieux payés contre 4 % pour le salaire moyen.

Aujourd’hui, le projet de loi sur le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat (Tepa) va encore accentuer le phénomène. Selon le Snui, « cette loi va permettre à une poignée de contribuables d’engranger sans effort, sans mérite, sans travail, une hausse substantielle de leur pouvoir d’achat ». Bref, d’empocher « le paquet »… fiscal.

[^2]: Libération du 29 juin.

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