Jacques Robin, un utopiste fécond

Denis Sieffert  • 12 juillet 2007 abonné·es

Notre ami Jacques Robin s’est éteint samedi dernier, 7 juillet. Il aurait eu 88 ans au mois d’août. Nous l’avons connu en 1990 lorsqu’il fonda avec quelques autres, dont Patrick Viveret, la revue Transversales Sciences Culture. Toute sa démarche transparaît dans l’association de ces trois mots. Jacques Robin était un intellectuel de la pluridisciplinarité. Il combattait les étiquetages, les enfermements de spécialistes. Durant toute sa vie de penseur et d’homme de gauche, il s’est employé à réunir des personnalités et des compétences qui venaient d’horizons différents. Résistant pendant la guerre, héritier politique de la gauche socialiste de Marceau Pivert, puis proche de Michel Rocard, cet ancien médecin sera toute sa vie un rassembleur. Dès 1966, il est à l’initiative d’un groupe de réflexion qui réunit notamment Edgar Morin, Henri Laborit, Joël de Rosnay et René Passet. En 1982, à la demande de Pierre Mauroy, alors Premier ministre, il met en place le Centre d’études des systèmes et technologies avancées (Cesta) et fonde le Groupe science culture, avec Henri Atlan et Jean-Pierre Dupuy.

Mais, au-delà des sigles et des différents avatars de ces laboratoires de la pensée, c’est toujours la même démarche qui guide Jacques Robin : imaginer le futur en réunissant tous ceux qui étaient parvenus à s’élever au-dessus de leur propre science pour réfléchir à une nouvelle réalité sociale. Passionné d’informatique et de toutes les sciences de la communication, mais aussi par les évolutions de la génétique et de la biologie, il versait son savoir au profit de nouvelles formes de démocratie et d’une éthique exigeante. Au-dessus de tout, c’est l’organisation sociale qui captivait cet homme toujours en mouvement. Il interrogeait les potentialités de la science pour libérer l’homme des servitudes du travail. Ce qui l’a conduit notamment dans la proximité intellectuelle d’André Gorz. Il fut aussi parmi les premiers en France à penser l’écologie. Jacques Robin était un utopiste au meilleur sens du mot. Un esprit créatif. Nous regretterons profondément ses appels enthousiastes et cette aptitude communicative à garder foi dans l’avenir. Peut-être parce que son « avenir » nous projetait davantage « après-demain » que demain.

Société
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