« La population locale ne doit pas être laissée de côté »

Bioplaneta coordonne un réseau de projets d’écotourisme au Mexique. Pour son directeur, Hector Marcelli, cette activité doit inclure les communautés rurales et indigènes pour se développer.

Yoran Jolivet  • 26 juillet 2007 abonné·es

Dans quel sens faut-il développer le tourisme au Mexique ?

Hector Marcelli : Pendant longtemps, le tourisme au Mexique a été surnommé « l’industrie sans cheminées » , en allusion à une activité non polluante et protectrice de la nature. Aujourd’hui, le bilan est tout autre. On a arraché plus de 50 % des mangroves de la côte, détruit des écosystèmes uniques, pollué des fleuves, des lagunes et des mers, et on a créé des centaines de poches de misère. Dans ce contexte, l’écotourisme paraît une alternative environnementale et sociale intéressante. Mais elle ne sera vraiment possible que si les communautés rurales et indigènes, propriétaires et habitants des zones écologiques, parviennent à s’imposer comme acteurs principaux de ce développement.

Comment les inciter à être acteurs de leur développement ?

Au Mexique, le principal obstacle est le racisme. On continue de considérer les habitants de communautés rurales, et particulièrement les indigènes, comme incultes, ignorants, paresseux, et même dangereux ou violents. Pour qu’ils s’insèrent dans un projet de développement, ils doivent d’abord comprendre ce que ce terme peut signifier pour eux. Son sens est en outre très différent là-bas de celui qu’on lui donne dans la culture occidentale.

Comment définissez-vous l’écotourisme au Mexique ?

Comme un outil supplémentaire pour faire aboutir les objectifs de développement durable des communautés rurales et indigènes. Il existe beaucoup de projets « écotouristiques » conduits par des transnationales ou par des tour-opérateurs. Mais, en plus d’un impact environnemental grave, ils ne génèrent pas d’activité économique pour les habitants des zones qu’ils desservent, si ce n’est de manière accessoire ou injuste. Chez Bioplaneta, on appelle écotourisme l’échange juste et durable entre divers acteurs et secteurs de la société. Avec des personnes venant de villes, de régions ou de pays lointains qui souhaitent découvrir de nouveaux endroits et la culture locale, sans créer d’impact sur l’environnement et d’une manière juste et respectueuse.

Quels sont les obstacles et les limites de ce type de tourisme ?

Les principaux obstacles sont les personnes et les entreprises ­ presque toujours liées aux gouvernements ­ qui exploitent n’importe quel phénomène économique dans l’unique dessein de créer du capital, laissant de côté les habitants, voire en les déplaçant violemment ou « légalement ». De plus, dans beaucoup de communautés, le concept de développement à l’occidentale s’est déjà consolidé. Il consiste à produire de l’argent à n’importe quel coût humain, environnemental ou culturel. Renverser la tendance demande du temps, des modèles durables et un changement de politique générale. Il faut voir l’écotourisme comme une activité complémentaire à d’autres activités économiques et culturelles.
**
Depuis quand l’écotourisme existe-t-il au Mexique, et comment s’est-il développé ?**

Cela fait un peu plus de quinze ans qu’on parle d’écotourisme au Mexique. Les premiers projets sont apparus au même moment. Cependant, c’était une activité marginale et méprisée officiellement, réservée aux hippies et aux routards. Le gouvernement et les entreprises ont commencé à y prêter attention depuis que le phénomène a pris de l’ampleur au niveau international. Il existe aujourd’hui un réseau national de 500 entreprises écotouristiques communautaires. Mais, en réalité, rares sont celles qui sont viables sur le long terme. Beaucoup se créent à travers des programmes officiels qui, en général, donnent des fonds pour quelques cabanes et des ateliers de formation, mais tout cela est absolument insuffisant, car la majorité des communautés n’ont pas l’expérience nécessaire pour rivaliser avec les lois du marché.

Comment expliquer les difficultés rencontrées par le projet de Soyaltepec ?

L’île reçoit depuis quelque temps un tourisme très négatif. Il est régional, à la journée et complètement insouciant. Les gens se rendent sur l’île pour boire de l’alcool sans contraintes, car il n’y a pas de représentants de l’autorité sur place ni de restrictions. Inverser ce scénario est très difficile. Même si les associés de la coopérative ont réussi à comprendre la différence entre de gros consommateurs d’alcool et des personnes responsables, curieuses de la nature et de la culture locale, la majorité de la population s’accroche à ce tourisme de bar.

www.bioplaneta.com

Temps de lecture : 4 minutes