Privatisation à un train d’enfer

Thierry Brun  • 5 juillet 2007 abonné·es

La privatisation du régime spécial de retraite des cheminots de la SNCF avance à toute allure, mais sans faire de vagues. Le Premier ministre François Fillon avait certes assuré, avant les législatives, que le gouvernement irait « jusqu’au bout » de la réforme des régimes spéciaux, fixant comme objectif la date de 2008, et affirmant que la « concertation [serait] la plus large possible » . Mais sans expliquer que cette contre-réforme est actuellement mise en place par la direction de la SNCF au prétexte de l’application d’une nouvelle norme comptable internationale. En effet, conformément au décret du 7 mai, les Caisses de prévoyance et de retraite de la SNCF (CPR, 900 salariés) sont devenues, depuis le 30 juin, une caisse autonome de sécurité sociale de droit privé, explique l’intersyndicale des CPR (SUD-Rail, FO, Unsa, CFDT et CFTC).

Depuis deux semaines, l’intersyndicale mène des actions contre la mise en place de la caisse autonome, qui sort le régime spécial de retraite du giron de la SNCF. À Marseille, le 29 juin, au siège des CPR, une « journée morte » a été organisée pour marquer la fin des CPR, sans la CGT locale. Critiquée pour sa « neutralité sociale » , l’organisation syndicale est la grande absente de ce mouvement qui lui a fait perdre quelques dizaines de militants, quatre élus ainsi que la secrétaire de la section syndicale des CPR. Pourtant, la nouvelle caisse devient ainsi « totalement indépendante » de la SNCF, estiment l’intersyndicale et la Fédération générale des retraités des chemins de fer (FGRCF, plus de 300 000 affiliés), qui s’est prononcée contre le nouveau dispositif. La FGRCF devrait se pourvoir devant le Conseil d’État pour demander la modification de certaines dispositions du décret.

Plus important, les organisations syndicales attendent avec inquiétude les prochains décrets « ressources », pas encore signés, sur les moyens de fonctionnement de la caisse autonome des cheminots. Or, mi-janvier, la direction des ressources humaines de la SNCF a produit un document de travail « sur la revalorisation des pensions » et étudié « l’incidence de l’autonomie juridique de la caisse » . On y apprend que, « quel que soit le périmètre de la nouvelle caisse, caisse de retraites ou caisse de prévoyance et de retraite, dès lors que le régime de retraites du personnel de la SNCF n’est plus un régime d’entreprise, la SNCF ne peut plus, sans risque de porter les engagements correspondants, décider des améliorations des pensions qui ne seraient pas financées par l’État » [^2]. Cette absence de financement mettrait un terme aux acquis sociaux du régime spécial.

[^2]: Voir « Renversement de régimes », Politis n° 941.

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