Sur le bord du chemin

Les Roms sont en sursis en France. Originaires de pays européens,
ils devraient bénéficier du droit communautaire. Mais ils vivent dans
des situations de grande pauvreté et sont souvent sommés de partir.

Gaël Lombart  • 19 juillet 2007 abonné·es
Sur le bord du chemin
© Romeurope,

Dans la boue, éparpillés, des objets de la vie courante. Un vêtement, une carte à jouer… Le peu de choses qu’il reste aujourd’hui du camp de Roms des bords du canal Saint-Denis, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Sous le pont qui abritait jadis les occupants, on entend le RER B qui passe avec fracas. Le 28 juin, vers minuit, des caravanes ont pris feu, nécessitant l’arrêt du trafic et l’intervention des pompiers. Les passagers ont dû regagner la gare à pied et, pour certains, y attendre des heures. Les télévisions avaient dépêché leurs journalistes. Mais les Roms, premières victimes du sinistre, n’ont pas fait les gros titres. Sommés de partir par les policiers, plus d’une vingtaine se sont repliés sur un camp à Gonesse (Val-d’Oise), à 15 kilomètres de là. Isolés, ils s’y sentent fragiles. « Sur les trente caravanes, il n’en reste plus que quatre. Tout a brûlé en un quart d’heure, explique un père de famille. Ici, nous dormons tous par terre, dehors, sauf les enfants, parce qu’il y a beaucoup de serpents. » Sa femme raconte qu’ils manquent de vêtements et de médicaments, notamment pour sa mère, atteinte de diabète. À proximité, ni eau ni magasins. Si la famille reste ici, Nicolae, le fils de 15 ans, ne pourra pas retourner au collège qu’il fréquentait depuis un an. Sans le sou, la famille est contrainte de mendier. Les passagers du RER, eux, ont eu droit à 100 euros de dédommagement.

Illustration - Sur le bord du chemin


Dans un campement de Roms à Villeurbanne. Ksiazek/AFP

Cet exemple est symptomatique : cette population vulnérable est soit ignorée soit stigmatisée. Mais certains luttent, comme Romeurope, pour faire connaître ces migrants et défendre leurs droits. Ce collectif réunit, depuis 2000, de grandes ONG (Médecins du monde, Ligue des droits de l’homme…), des associations et des comités de soutien. Publié début juillet, son rapport annuel décrit les conditions de vie des Roms en France : problèmes d’accès aux soins, de scolarisation, de logement… Ces dernières années, une grande partie d’entre eux, pour se conformer aux règles de Schengen, ont fait des séjours de moins de trois mois. Ils ne pouvaient bénéficier d’aucune couverture maladie, et leurs projets étaient de courte vue. Autre observation du collectif : leurs expulsions répétées en 2006 confinaient au « harcèlement » . À chaque fois, le même rituel : encerclement des camps, coups dans les portes et les fenêtres, évacuations, destruction des caravanes… Les ressortissants de Bulgarie et de Roumanie, d’où viennent la majorité des Roms, représentaient l’année dernière plus d’un tiers des reconduites collectives à la frontière.

Depuis le 1er janvier, ces deux États font partie du club européen, mais leurs expatriés restent indésirables aux yeux des pouvoirs publics. Leur liberté de circuler au sein de l’UE, fondement de la citoyenneté européenne, se heurte aux instructions de l’ex-ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy. En décembre 2006, les préfets ont reçu une circulaire leur demandant d’évaluer la « charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale » que pèse chaque individu roumain ou bulgare présent en France depuis moins de trois mois. Un comble, car la personne ne peut, de fait, percevoir aucune aide médicale ! Si la charge est avérée, ses droits de circulation et de séjour sont limités. Avec l’été, les ONG voient apparaître des dizaines d’obligations à quitter le territoire (OQTF), préremplies et motivées par le même critère de « charge déraisonnable » .

Conformément au traité d’adhésion, les secteurs dans lesquels Bulgares et Roumains peuvent travailler sont restreints pendant au moins deux ans. Depuis le début de l’année et jusqu’à récemment, leur présence au-delà de trois mois pouvait les priver d’aide médicale en cas d’inactivité professionnelle. Ressortissants de l’UE, ils ne pouvaient plus bénéficier de l’aide médicale de l’État (AME), destinée a priori aux sans-papiers. Quant à la couverture maladie universelle (CMU), elle leur était versée à la discrétion des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM). En février, la CPAM de Seine-Saint-Denis a diffusé une note interne indiquant que toute demande formulée par un Européen non-actif devait faire l’objet d’un refus.

Les ONG ont alors sollicité un éclaircissement de la caisse nationale, qui, selon Médecins du monde, aurait demandé il y a peu à la CPAM 93 d’ouvrir à ces Européens le droit à l’AME. Les autres caisses, y compris celles qui versaient la CMU, s’aligneraient sur cette nouvelle recommandation. Une régression qui vise en premier lieu les Roms. L’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE) insiste aujourd’hui pour que les ressortissants de l’UE puissent à nouveau profiter de la CMU. Selon le droit communautaire, les Roms devraient bénéficier du même traitement que les Français. On en est loin.

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