Les prémisses d’une offensive

Annoncé fin mai, l’assouplissement de la carte scolaire n’a, pour l’instant, pas entraîné de grands bouleversements, d’après les chefs d’établissement. Les parents d’élèves dénoncent pour leur part une mesure « illusionniste ».

Pauline Graulle  • 30 août 2007 abonné·es

Rentrée scolaire 2007, l’an I de la suppression progressive de la sectorisation. Depuis le 30 juin, date butoir de dépôt des demandes de dérogation, chaque inspection académique a tranché parmi les requêtes des parents d’élèves. On craignait qu’une désertion massive des « bons » élèves des établissements « sensibles » n’entraîne une concentration problématique d’élèves en difficulté dans ceux de « mauvaise réputation ». La nouvelle mesure semble, pour l’heure, ne pas avoir entraîné les bouleversements redoutés. Malgré une recrudescence des demandes dans certaines académies, l’opération a surtout concerné les entrées en sixième et en seconde. Mis à part le département du Val-de-Marne, qui a enregistré 5 % de demandes de dérogations supplémentaires à l’entrée en sixième, la situation apparaît quasiment stable dans le reste de la France.

« Rien n’a changé», affirme ainsi Étienne Galand, principal du collège Michel-de-Swaen à Dunkerque. Le chef d’établissement de La Nacelle, collège proche de la cité éponyme à Corbeil-Essonne, ne remarque pas non plus d’augmentation significative des dérogations dans ses rangs. « Nous avons reçu une demande en classe de quatrième, deux en cinquième et six en sixième. Tout compte fait, nous admettrons finalement quatre élèves de plus cette année. Ce qui est marginal au vu des 520 élèves qui étudient dans ce collège. » Au collège Vieux-Port, à Marseille, exceptés quelques retards et complications administratives dus à une gestion complexe et tardive, on ne note pas de bouleversement massif des flux. Globalement, l’assouplissement de la carte scolaire n’a eu qu’une influence « à la marge » sur les caractéristiques sociologiques des collèges Réseaux ambitions réussite (ex-ZEP) des grandes et moyennes villes de France. On serait loin de l’hémorragie.

Ce constat n’étonne guère le président de la FCPE, qui dénonce une mesure « illusionniste » . « Je crois que le gouvernement a misé sur le fait que l’essentiel des élèves ne bougerait pas », précise Faride Hamana. Derrière la prétendue « rupture » , ne se profilerait donc qu’une simple continuité. Pourquoi les parents d’élèves n’ont-ils pas sauté sur l’occasion d’user de la prétendue « liberté de choix » tellement vantée par Nicolas Sarkozy~? Le fait est qu’ils en disposaient déjà pour une bonne part. « Depuis vingt-cinq ans, l’opinion publique fait preuve de consumérisme scolaire , observe la principale du collège George-Sand à Marseille. Aujourd’hui, on choisit son établissement comme on choisirait son coiffeur. » L’inspecteur de l’académie du Val-de-Marne renchérit~: « Les parents s’imaginent que les bons lycées font les bons élèves. »

Paradoxalement, l’assouplissement prévu par Xavier Darcos, en instaurant des critères de dérogation (voir ci-contre) dans un « système » de dérogations sauvages, installerait un fonctionnement plus contrôlé et donc plus rigide. Selon Faride Hamana, les élèves issus des classes moyennes qui contournaient la carte « ne pourront plus frauder, parce qu’ils ne répondent à aucun des critères sur lesquels s’appuie l’académie pour accepter les dérogations. L’assouplissement installe plus de contraintes qu’avant ». Reste à se demander, ensuite, si un changement d’établissement est forcément bénéfique à l’élève. Problèmes de transports, différence de niveau déstabilisante entre un établissement « défavorisé » et un « favorisé », ou encore rivalités problématiques entre quartiers, les dérogations ne sont pas toutes bonnes à saisir…

Pour le président de la FCPE, qui relie la mixité sociale à un problème d’habitat, le poil à gratter se situerait ailleurs~: « Ce débat sur la carte scolaire n’est finalement pas fondamental face à l’autonomisation des établissements que le gouvernement est en train d’amorcer. » Entre les suppressions de postes annoncées, l’allégement des budgets qui entraînerait la suppression de certaines filières et options, le débat sur l’instauration d’un service minimum à l’Éducation nationale, et l’autonomie et la mise en concurrence des établissements, le grand débat épidermique sur la carte scolaire « pourrait être l’arbre qui cache la forêt » . Comme dans un jeu de poker menteur où il aurait détourné l’attention générale sur un problème annexe, le gouvernement se prépare à abattre d’autres cartes.

Société
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