Les Verts relèvent la tête

Réunis à Quimper pour leurs journées d’été, les écologistes se sont montrés déterminés à modifier leur mode de fonctionnement et à reprendre l’initiative politique.

Patrick Piro  • 30 août 2007 abonné·es

Les élections du printemps avaient laissé les Verts sonnés et désemparés, en pleine crise de confiance. Les journées d’été du parti écologiste, tenues du 23 au 26 août à Quimper, première grande introspection collective pour tenter d’en sortir, les ont en partie rassérénés. Suivies par 1 300 militants, elles ont montré un parti désireux de faire preuve de maturité pour s’adapter à une nouvelle donne sociétale et politique en matière d’environnement.

Sanctionnés par le laminage de leur candidate Dominique Voynet à la présidentielle (1,57 %), et à peine réconfortés par l’élection de quatre députés aux législatives (un de plus qu’en 2002), les Verts s’interrogeaient sérieusement sur leur utilité politique : la tornade Hulot les avait un temps relégués au rang de faire-valoir de l’animateur, médiatiquement intronisé grand écologiste de France ; et le Grenelle de l’environnement, lancé par un Sarkozy à peine élu, les laissait spectateur du « pillage » de leur fonds de commerce. La France entrait dans l’ère de l’écologie sans les Verts, réduits à revendiquer le mérite historique de ce virage tant espéré.

Dès le lendemain des législatives, mi-juin, quelques francs-tireurs testent leurs remèdes : le député Yves Cochet propose une dissolution-refondation, l’eurodéputé Daniel Cohn-Bendit suggère un vaste arc écolo des Verts au Modem, Francine Bavay veut ouvrir le parti à la gauche antilibérale… Autant d’audaces rejetées par les instances dirigeantes, qui ont prudemment maîtrisé le principal chantier des journées d’été sous l’intitulé « Quel parti Vert pour le XXIe siècle ? ».

« Un désir profond et incontestable de rénovation s’est exprimé , se félicite Mireille Ferri, secrétaire nationale adjointe en charge de la réforme interne. Avec un réel consensus sur la nécessité d’améliorer l’efficacité du parti et la lisibilité de notre programme, ainsi que de faire évoluer notre stratégie et nos alliances. »

Avantage conséquent, dans une gauche en perte de repères, les Verts ont réaffirmé n’avoir aucun doute sur la pertinence de leurs idées. « Il n’y a pas d’avenir sans l’écologie politique, nous sommes les dépositaires de la seule idée neuve depuis la Seconde Guerre mondiale , martèle la secrétaire nationale Cécile Duflot. Et rien ne se fera sans nous. Notre défi, c’est de contaminer l’ensemble de la gauche. »

Comme prévu, pas de remise à plat du parti, mais un processus de rénovation en douceur. Dans un premier temps, c’est pour une modification substantielle de leurs statuts, mille fois brocardés pour leurs effets contre-productifs, que les Verts se sont majoritairement exprimés à Quimper. Systématiquement bloquée ces dernières années, la réforme semble désormais en mesure d’être menée. Dans le collimateur, principalement : le « fléau » des courants internes ­ écuries au service de chefs de file bien plus qu’expressions de divergences idéologiques ­ et la désignation de l’exécutif du parti à la proportionnelle intégrale, accoucheuse de majorités instables et d’équipes dirigeantes rapidement affaiblies. Mireille Ferri propose que la réforme soit bouclée d’ici à décembre prochain, lors d’une assemblée constituante.

Il reviendra au prochain Cnir (8 et 9 septembre) de valider le processus et de le mettre en route, ce qui ne sera pas une mince affaire. « Il faut pourtant aller vite pour ne pas disperser trop d’énergie en introspections, justifie Dominique Voynet, afin d’envoyer un message fort à nos partenaires et à l’opinion avant les municipales du printemps prochain. » Un scrutin majeur pour les Verts, son principal pourvoyeur d’élus, et l’échelon jusque-là le plus fructueux pour l’application de leurs idées.

Certains, comme le député Noël Mamère, relativisent cependant l’élan manifesté à Quimper : « La réforme statutaire est incontournable, mais je redoute que l’on s’en contente pour éviter d’aller plus loin. C’est le programme, la stratégie, les alliances qu’il faut remettre à plat, il faut exploiter complètement la brèche ouverte. »

Sur ces questions de fond, Mireille Ferri propose la tenue d’une convention, avec la participation des associations, syndicats, intellectuels et autres partenaires, « mais pas avant septembre 2008. Je ne vois pas comment on parviendrait à mener de front autant de chantiers aussi importants… ».

D’autant plus que les Verts ont déjà perdu du temps à définir leur position sur le plus urgent d’entre eux : le Grenelle de l’environnement. « Dehors, dedans ? Après avoir tergiversé, nous avons conclu que nous ne pouvions pas regarder passer le train, même si savons que ce qui en sortira ne nous satisfera pas » , conclut Michèle Rivasi. L’ex-députée écologiste, de retour au bercail vert après avoir rallié le groupe socialiste à l’Assemblée nationale lors de son mandat (1997-2002), coordonne un comité de suivi du « Grenelle ». « Il nous incombe d’évaluer la qualité des mesures qui seront annoncées, avance-t-elle, de suivre leur mise en place, etc., mais aussi de faire connaître nos propositions, un « Grenelle vert », afin de peser sur les choix. »

Le Grenelle est finalement emblématique des difficultés de fond que rencontrent actuellement les Verts, estime Denis Baupin, maire adjoint de Paris chargé des transports. « Le paysage a changé, tout le monde se réclame aujourd’hui de l’environnement , explique-t-il. Il faut passer d’une culture de monopole idéologique, où pendant des années il a suffi de dénoncer, à la définition de préconisations concrètes et affinées. Il faut maintenant dire comment on peut appliquer nos solutions et valoriser leur cohérence globale. C’est sur ce terrain que nous sommes désormais attendus. »

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