Mickey chez les Soviets

Toujours aussi farce, Michael Moore s’indigne, dans « Sicko »,
de l’absence de couverture médicale universelle dans le pays
le plus riche du monde.

Ingrid Merckx  • 6 septembre 2007 abonné·es

Mickey est en quête de solidarité. Vous savez, précise-t-il, cet élan qui nous a poussés à tendre la main aux autres au lendemain du 11 Septembre. Une solidarité nationale qui permettrait à son pays, le plus riche du monde, de disposer « d’un système de santé gratuit » plutôt que d’assurances privées meurtrières. Et Mickey (qui confond public et gratuit) de rendre visite à cet homme qui, les doigts sectionnés, a dû préférer son annulaire à son majeur, trois fois plus coûteux. Ou cette dame qui a perdu sa petite fille parce que les urgences les plus proches ont refusé de la prendre en charge. Ou ces pompiers de Ground Zero atteints de maladies respiratoires, qu’il emmène en territoire ennemi, à Cuba, où les médecins sont plus sympas qu’à Disneyland, et les prisonniers de Guantanamo mieux soignés qu’un Américain chez lui…

Illustration - Mickey chez les Soviets


Ah ! la France… Heureux pays gavé de services publics… aux yeux de Michael Moore, réalisateur de « Sicko ». DR

En guerre contre les compagnies qui prospèrent sur le dos de ses compatriotes, Mickey part visiter de grandes nations à la « médecine socialisée » : le Canada, l’Angleterre et la France. Ah ! la France. Refuge d’Américains presque contrits de profiter des largesses d’un État qui va jusqu’à offrir une aide ménagère aux jeunes mères ! Les bonnes gens y sont-elles terrassées d’impôts ? Mais non, note Mickey en parcourant l’appartement cossu d’une petite famille typique qui se paie le luxe de posséder deux voitures et de partir en voyage dans des contrées exotiques.

Pourquoi pas nous ? pleurniche-t-il en longeant les allées d’un parc où les Français, peuple heureux gavé de services publics, s’alanguissent sur de grasses pelouses ensoleillées. Les médecins de ces États sont-ils payés en cacahuètes ? se demande-t-il encore, avant de se mirer dans le joli bolide d’un praticien hospitalier à Londres.

Dans Sicko , Mickey n’a pas de grandes oreilles mais un gros ventre et une grande gueule. Une grande gueule qu’il ouvre pas mal en voix off pendant la première moitié du film, avant d’occuper le devant de la scène, mi-bouffonne mi-courroucée, pendant la seconde moitié. Les craintes se confirment : Mickey n’est pas un cinéaste mais un agitateur public qui secoue sa caméra assez vite pour qu’on ne voie pas trop les raccourcis simplistes induits par un montage frénétique. Mais pas suffisemment pour qu’on ne remarque pas à quel point les images sont laides, les lumières affreuses, le cadrage maladroit, l’objectif avide de visages couverts de larmes…

Mickey n’est pas un personnage politique mais une figure de plus en plus farce qui répète, en montant des sortes de happenings sociaux, ce que tout le monde sait, comme si elle était la seule à s’indigner. Pas d’associations, pas de lobbies, pas de personnalités ­ exceptée Hillary Clinton ­ à réclamer, comme lui, une couverture maladie universelle aux États-Unis? Mickey n’enquête pas, il constate, en brandissant haut et fort, comme au McDo du commerce, des témoignages que sa cybernotoriété lui a permis de recueillir. Il poursuit ainsi son oeuvre de poil à gratter de la société américaine contemporaine, en se fichant de savoir si son populisme ne va pas, à force de gaucherie(s), renforcer les très obscures puissances qu’il fait mine de piquer. Seuls bons gags : sa mise en scène du socialisme vu par les Américains, et l’idée que Mickey se fait d’une société confortable (Formica et Opel Corsa comme gages de bonheur, il y a plus subversif…). Reste à savoir si, pour ceux qui hésitent à désapprouver les franchises médicales que Nicolas Sarkozy va installer en France, ce film pourrait servir d’épouvantail.

Culture
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