Un certain climat

Sébastien Betbeder signe « Nuage », un premier long métrage sur la disparition.

Ingrid Merckx  • 20 septembre 2007 abonné·es

Nuage dans le ciel. Nuage dans le regard. Nuage dans la tête. Nuage dans le coeur. Nuage dans le lait. Nuage de fumée… Sébastien Betbeder inventorie toutes les formes d’intempéries, climatiques et intimes, qui enveloppent et rassemblent quatre personnages. Un photographe dont la femme a disparu, leur fille, et un jeune homme qui a croisé la disparue. L’absente et l’étranger partageant un mal dont on ne sait s’il est réellement pathologique~: ils souffrent de l’apparition brutale d’un voile noir qui leur masque le paysage, leur fait perdre connaissance et endommage leur mémoire. Au point qu’ils en arrivent à oublier ce qui était essentiel à leurs yeux. Apparition, disparition, effacement, traces~: telles sont les figures que le jeune cinéaste s’est imposées, au propre et au figuré, se servant de la pellicule pour filer la problématique. Que voit-on~? Que cesse-t-on de voir qu’on n’aurait voulu effacer~? L’image est-elle un gage de souvenir~? Il y aurait, dans Nuage , une réflexion intéressante sur la disparition si ce premier long métrage ne sentait pas tant l’exercice de style.

Diplômé des Beaux-Arts et de l’école d’art contemporain du Fresnoy, Sébastien Betbeder met en oeuvre sa bonne idée d’alliance entre la plastique et la symbolique avec une affectation si théorique que ses personnages s’en trouvent figés. Dans leur texte, dans leurs gestes. Marionnettes presque inquiétantes d’application et d’hébétude, coincées à l’orée de tous les chemins, le surréalisme, le fantastique, l’absurde, l’arty… Finalement, Nuage tient surtout du conte psychanalytique, nouant et dénouant des combinaisons relationnelles~: le père et la mère (Bruno Sermonne et Aurore Clément), le père et la fille, le jeune homme et la mère, la fille et le jeune homme (Nathalie Boutefeu et Adrien Michaux)… Dans un cadre champêtre aussi doux qu’hermétique et (forcément) soit surexposé, soit plongé dans le brouillard. Voire dans la nuit, car Sébastien Betbeder ne résiste pas au plaisir d’exploiter l’effet de l’écran noir et de la cécité. Effet qui fonctionne d’autant plus qu’il semble fâché avec le mouvement et fasciné par l’image fixe. Le montage en témoigne, qui affiche des plans de coupe et navigue entre scènes de plateau et projection de diapositives. Plus que les variations atmosphériques, c’est ce rapport, ce conflit même, avec la mobilité des images dans le champ qui retient la rétine.

Culture
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