Quand la Chine décroîtra…

Serge Latouche  • 11 octobre 2007 abonné·es

«Et la Chine ? » La question revient dans tous les débats sur la décroissance. Un peu moins « Et l’Inde ? » ou « Et le Brésil ? »… Il est clair que la croissance économique chinoise pose un problème planétaire. La Chine, bien qu’elle soit loin d’être le premier pollueur en termes relatifs (l’empreinte écologique par habitant, en 2004, y est environ six fois inférieure à celle des États-Unis), est depuis peu considérée comme le premier pollueur de la planète en termes absolus, et la « manufacture de l’univers ». Il serait immoral, et d’ailleurs bien difficile, d’imposer quoi que ce soit aux Chinois contre leur gré. L’aspiration des classes montantes (100 à 200 millions d’individus…) à la voiture individuelle et au consumérisme occidental est d’autant moins répréhensible que nous en sommes largement responsables. Volkswagen et General Motors prévoient de fabriquer trois millions de véhicules par an en Chine dans les années qui viennent, et Peugeot procède à des investissements géants… Et nous ne sommes pas encore entrés nous-mêmes dans la voie d’une société autonome et soutenable, joyeuse peut-être, mais nécessairement frugale au niveau matériel.

En tout état de cause, le destin du monde et de l’humanité repose désormais largement sur les décisions des responsables chinois. Le fait qu’ils soient conscients des désastres écologiques présents et des menaces qui pèsent sur leur avenir (et le nôtre), qu’ils sachent que les coûts écologiques de leur croissance annulent ou dépassent ses bénéfices dans une comptabilité écologique (mais ceux qui touchent les dividendes ne sont pas ceux qui supportent les coûts…), tout cela, combiné à une tradition millénaire de sagesse fort éloignée de la rationalité et de la volonté de puissance occidentales, laisse espérer qu’ils n’iront pas au bout de l’impasse de la croissance que nous sommes près d’atteindre. D’après le rapport de l’économiste anglais Nicholas Stern ^2, la Chine a adopté un programme ambitieux visant à réduire de 20 % entre 2006 et 2010 l’énergie utilisée pour produire chaque unité de produit intérieur brut et à promouvoir les énergies renouvelables. Selon la même source, l’Inde se trouve dans une situation comparable et s’est préparée à lancer pour la même période une politique d’amélioration de l’efficacité énergétique. C’est en nous engageant dans la voie d’une société de décroissance et en faisant la démonstration que le « modèle » est enviable que nous pouvons le mieux convaincre les Chinois, comme les Indiens et les Brésiliens, de changer de direction, tout en leur en donnant les moyens, et de sauver l’humanité d’un destin funeste.

Écologie
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