Robots contre pirates

Christine Tréguier  • 25 octobre 2007 abonné·es

Chargé début septembre d’une mission de « lutte contre le téléchargement illicite et le développement des offres légales », Denis Olivennes auditionne depuis un mois et demi les différents acteurs de cet épineux dossier. Comme on pouvait s’y attendre, la « riposte graduée » chère au précédent ministre de la Culture, Donnedieu de Vabres, refait surface. Introduite dans la DADVSI (loi Droits d’auteur et droits voisins dans la société de l’information), cette mesure, qui consiste à envoyer aux « pirates » des messages d’avertissement puis à les sanctionner ­ par contraventions et/ou suspension d’abonnement ­, avait pourtant été censurée par le Conseil constitutionnel comme « contraire au principe d’égalité devant la loi » .

Quinze mois plus tard, tout le monde, et en particulier les producteurs, semble avoir totalement oublié cet épisode. Les professionnels du disque et du cinéma, parlant pour une fois d’une même voix, ont cosigné une lettre demandant à Olivennes de lutter, toutes affaires cessantes, contre le piratage en instaurant un régime… d’avertissement et de sanctions.
Les fournisseurs d’accès à Internet (FAI), que l’identification des contrevenants met en porte-à-faux avec l’obligation de respect de la vie privée de leurs abonnés, jouent la conciliation. Visiblement convaincus par leurs partenaires (ou parfois leurs actionnaires) de l’industrie culturelle de la nécessité d’une répression moins sujette aux aléas des décisions des magistrats, ils prônent la mise en oeuvre de « radars ». Des robots chargés de filtrer les serveurs peer to peer en se faisant passer pour des « pirates » et de détecter les internautes mettant à disposition des fichiers, lesquels recevront… avertissement et sanctions. Seul bémol, les FAI insistent pour que ces radars soient placés hors de leurs infrastructures et gérés par une autorité publique et non, comme c’est le cas actuellement, par des officines privées à la solde des représentants des ayants droit.

Le 12 octobre, Denis Olivennes s’est réjoui publiquement de ce consensus. Mais c’est oublier un peu vite les associations d’internautes et les militants du libre d’April, qui doivent être auditionnés le même jour par le PDG de la Fnac. Pour eux, radars et riposte graduée sont de vaines parades, qui permettent de repérer une machine et non un contrevenant, et qui portent atteinte aux droits fondamentaux. S’il s’agit de favoriser le marché des produits culturels, mieux vaut, a répété AprilL, imposer à tous l’interopérabilité de tous les fichiers sur tous les matériels.

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