La copie faible d’Olivennes

Christine Tréguier  • 29 novembre 2007 abonné·es

À peine rendu, le rapport de Denis Olivennes (voir Politis n° 973) s’est déjà transformé en un accord qualifié par Nicolas Sarkozy de « moment décisif pour l’avènement d’un Internet civilisé » .

Hormis deux petites concessions pour améliorer les offres légales ­ l’abandon provisoire des verrous anticopie (les DRM) et l’alignement du délai de diffusion des films en VOD sur celui des DVD (six mois après leur sortie) ­ l’accord vise essentiellement à « désinciter » le téléchargement illégal. Il reprend, en les durcissant, l’essentiel des mesures déjà contenues dans une charte signée en juillet 2004 entre les fournisseurs d’accès (FAI) et les majors. Expérimentation sous vingt-quatre mois des outils de filtrage et riposte graduée pour les « pirates » sous la forme d’avertissements puis de suspension/résiliation de l’abonnement.

La seule nouveauté est la création d’une autorité indépendante chargée de sanctionner les « pirates » et les FAI qui ne feraient pas diligence, et de constituer un fichier des interdits de réseau. Le lien entre cette autorité et la justice reste flou. Il est dit qu’ « elle prendra, ou saisira le juge en vue de prendre, des sanctions » . Si elle se substituait au juge, elle devrait théoriquement en passer par une procédure contradictoire, garantissant le droit de la défense. Donc se faire communiquer l’identité de l’abonné, ce qui, en l’état actuel de la loi, est du ressort d’un juge. Idem pour constituer un fichier.

La question se pose d’autant plus que la constitution de l’infraction ne relève pas ici du contrôle d’un individu, comme dans le cas d’une fraude aux transports, mais de l’interception d’une adresse IP. Adresse qui appartient à un abonné mais peut être utilisée par quiconque accède à son ordinateur, avec ou sans son accord. L’abonné non fraudeur se verrait alors sanctionné pour ne pas avoir sécurisé son accès… Ce que les fournisseurs eux-mêmes sont incapables de faire pour lutter contre le spam et les réseaux de PC zombies.

Pour l’UFC-Que choisir, cette « résiliation punitive est contraire à plusieurs principes constitutionnellement garantis, notamment le respect de la présomption d’innocence » . La Ligue Odebi s’oppose à cette justice parallèle. Il s’agirait d’une « véritable juridiction d’exception [allant] à l’encontre du principe d’égalité devant la loi » . Ce n’est pas elle qui le dit, mais… deux députés UMP, Marc Le Fur et Alain Suguenot. Une chose est sûre : aucune évaluation n’aura lieu dans les six mois, comme demandé par le chef de l’État. L’accord est inapplicable sans modifications de la fameuse loi DADVSI. Lesquelles sont annoncées pour le printemps 2008 et devraient donner lieu à de nouveaux débats épiques.

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