« Notre voix doit être plus audible »

L’Union juive française pour la paix vient de tenir son congrès à Paris. Ses deux présidentes reviennent sur les débats et exposent leurs projets.

Denis Sieffert  et  Marjolaine Normier  • 8 novembre 2007 abonné·es

Quel bilan tirez-vous de ce congrès ?

Houria Ackermann et Michèle Sibony : Malgré des divergences parfois vives, notre volonté de rester ensemble a prévalu. Voilà le plus important. De plus, le fait d’avoir choisi deux Juives arabes à la présidence de l’association symbolise bien le message que la majorité souhaite faire passer. La minorité continuera de faire entendre sa voix, comme elle en a le droit, mais avec un souci d’unité.

Vous parlez de divergences. Quelles sont les lignes de clivage à l’intérieur de l’UJFP ?

La ligne de clivage à l’intérieur de l’association est la même que partout en France, et il n’y a rien de nouveau. Certaines personnes ont peur d’un islam politique, vécu comme dangereux, auquel on devrait, selon elles, ne pas toucher. Cet islam politique, qui va du wahhabisme saoudien à l’islam traditionnel, est l’objet de beaucoup de confusions. Ces personnes se défendent aussi de toute islamophobie mais refusent de se positionner radicalement contre celle-ci. Nous pensons, au contraire, qu’il ne faut pas exclure les organisations musulmanes qui souhaitent dialoguer avec nous, et que ce dialogue doit être conduit sans tabou. Nos lignes rouges pour refuser le dialogue sont le racisme sous toutes ses formes et le fascisme. Pour résumer cette question, nous pourrions dire que l’UJFP n’échappe pas aux interrogations politiques qui traversent tous les groupes politiques aujourd’hui, à propos du port du voile ou encore de la colonisation. Ces problèmes se posent également à nous à travers le conflit israélo-palestinien.

Qu’est ce qui fait consensus au sein de l’UJFP ?

Le centre des préoccupations de l’UJFP est ledit « conflit israélo-palestinien », le vivre-ensemble en France et le vivre ensemble judéo-arabe. Lors du congrès, il y a eu aussi un consensus très fort contre la guerre en Iran. Nous avons voté à l’unanimité une motion anti-guerre et nous estimons que la nécessité de dénoncer le régime iranien pour pouvoir dénoncer la guerre régionale qui s’annonce relève justement de la propagande de guerre. L’urgence est telle, pour les Arabo-Musulmans et pour les Juifs, que le refus de cette nouvelle guerre doit être total. Le risque d’une flambée antisémite, et que les Juifs soient désignés comme fauteurs de guerre, est à redouter. Le mouvement antiguerre doit-il être le mouvement d’une élite enfermée dans des bureaux ou un mouvement populaire ? En tout cas, nous souhaitons éviter toutes les divisions et soutenir toutes les tentatives d’organisation et leur convergence.

Quelle position adopter vis-à-vis du Hamas et du Hezbollah ?

Le Hamas et le Hezbollah sont d’abord des mouvements de résistance, démocratiquement élus. Ils doivent être reconnus comme tels même si toutes leurs options ne nous plaisent pas forcément. Une grande ignorance règne autour de ces organisations : certains croient par exemple que le Hamas veut « réinstaurer le califat à Gaza » ou encore qu’il veut la disparition d’Israël. Tout cela est faux.

Quels sont vos projets ?

L’UJFP continuera de se battre dans la société française, par exemple avec le Réseau éducation sans frontière (RESF) contre les rafles de sans-papiers. Une autre de nos priorités est de dénoncer le discours pro-israélien qui se développe en France. Ainsi, Bertrand Delanoë, maire de Paris (PS), expose les portraits des trois soldats israéliens enlevés par le Hamas et le Hezbollah dans le square Itzhak-Rabin. Pendant ce temps, personne ne parle des milliers de Palestiniens détenus. Cette politique est dangereuse. Elle suggère que soutenir l’armée israélienne permettrait de s’accorder les faveurs de la communauté juive. Or, la communauté juive n’est pas l’armée israélienne.

Votre discours est très en rupture avec les autres porte-parole officiels de la communauté juive, avez-vous l’intention d’être plus offensives pour alerter sur les risques qui pèsent sur votre communauté ?

Oui, nous allons d’abord interpeller le Crif sur le terrain de RESF et lui demander « Où êtes-vous et comment se fait-il que vous n’y soyez pas ? ». Ensuite, nous tenterons de créer les conditions d’un débat direct avec les instances communautaires juives. L’autre voix que nous représentons doit être audible publiquement et le dialogue doit avoir lieu. C’est pourquoi nous continuerons de faire entendre notre voix, sur notre site mais aussi avec notre revue, De l’autre côté.

Monde
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