Usines à bio

Hélène Crié-Wiesner  • 15 novembre 2007 abonné·es

Ce n’est pas à vous, Français aux oreilles rebattues par un Grenelle de l’environnement à large spectre, qu’on va apprendre que le Nobel d’Al Gore est une bonne nouvelle pour la cause environnementale américaine dans son ensemble, pas seulement pour celle du climat. Aux États-Unis comme ailleurs, plus on parle d’écologie, plus le public découvre la complexité et l’intrication des problèmes.

Dernière crise en date, qui rebondit dans les médias grâce à la promotion du grand Al : celle de la bouffe bio, qui souffre de sa croissance trop rapide dans un pays longtemps habitué à négliger la qualité au profit de la quantité. L’an dernier [^2], je signalais que le géant Wal-Mart allait mettre le bio à la portée de toutes les bourses : bonne nouvelle pour les consommateurs, sans doute, mais comment concilier une production durable de qualité avec les impératifs de rentabilité de l’ agro-business ? La réponse vient de tomber : c’est inconciliable.

Les deux principaux producteurs industriels de lait bio se sont fait allumer par les autorités fédérales pour non-respect des exigences liées au label* « organic ». Vander Eyk Dairy approvisionnait les deux marques laitières les plus prestigieuses et les plus chères du marché américain : ses 10 000 vaches californiennes n’ayant jamais accès aux pâturages, il a perdu sa certification. L’autre, Aurora Organic Dairies, encore plus gros, est en sursis : il a un an pour introduire des pâtures dans ses usines à vaches du Colorado et du Texas, sous peine de perdre, lui aussi, le précieux label. Cette clémence s’explique par le fait qu’Aurora Organic fournit les géants de la grande distribution, dont les rayons bios se retrouveraient vides du jour au lendemain si leur fournisseur était déclassé.

Dans les deux cas, ce sont des associations de consommateurs qui ont alerté les autorités. Il a fallu deux ans au service concerné (en sous-effectif criant) du ministère de l’Agriculture pour instruire les plaintes et négocier un accord avec les compagnies. Celles-ci savaient bien sûr ce qu’elles risquaient, et ont préféré attendre d’être contraintes pour agir, tant leurs profits étaient considérables. Les vrais éleveurs bios ne peuvent soutenir la compétition avec les méthodes de fous des « géants verts ».

D’autres mastodontes annoncent des changements dans leurs modes de production. Ainsi, Dole Food Company, leader du marché des fruits en conserve, va aménager ses plantations d’ananas et de bananes au Costa Rica pour les rendre « neutres en CO2 » , en réduisant l’énergie utilisée pour la culture et le transport des fruits. A-t-on entendu Bonduelle ou Saint-Mamet, les big Frenchies du fruit en boîte, s’exprimer sur le sujet ?

[^2]: Voir Politis n° 910 (13 juillet 2006

Écologie
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