Le combat des femmes

Une militante de la campagne « Un million de signatures » a récemment fait le point à Paris
sur l’action des mouvements féministes iraniens.

Gülay Erdogan  • 20 décembre 2007 abonné·es

De passage à Paris, Nahid Keshavarz, membre active de la campagne « Un million de signatures » en Iran, et Marie Ladier-Fouladi, socio-démographe du CNRS, ont retracé l’historique du combat des femmes depuis le début des années 1990. Elles ont rappelé que la nouvelle République avait, au lendemain de la révolution, décidé de faire concorder le statut de la femme avec la charia. Ainsi, « l’autorisation de mariage pour les filles est passée de 18 ans à 9 ans. Cela, alors que, paradoxalement, l’âge moyen du mariage (autour de 24 ans) n’a cessé de monter depuis lors » , a souligné Marie Ladier-Fouladi. La voie d’émancipation la plus sûre permettant aux femmes iraniennes de sortir du système patriarcal étant alors les études, 60 % des étudiants en Iran sont aujourd’hui des étudiantes. Elles sont présentes dans tous les secteurs d’études, y compris les branches scientifiques. D’où un écart croissant entre, d’une part, l’ordre juridique et le pouvoir autoritaire, et, d’autre part, l’évolution sociodémographique depuis 1979. Ce qui explique qu’après huit années de guerre contre l’Irak (1980-1988), des féministes d’inspiration laïque et islamiste aient pu, à partir des années 1990, conjuguer leurs efforts pour exiger dans diverses revues des améliorations pour les droits des femmes.

Illustration - Le combat des femmes

Des femmes protestent dans les rues de Téhéran contre le port du voile obligatoire au travail, le 5 juillet 1980. OFF/AFP

En juin 2006, des milliers de femmes de milieux divers ont ainsi protesté place de Haft Tir, à Téhéran. De cette protestation est né un mouvement qui, en référence à la lutte des Marocaines, est devenu en août 2006 la campagne « Un million de signatures » pour le changement du statut des femmes. Les militantes ont élaboré un livret détaillant les lois incriminées. Nahid Keshavarz a rappelé qu’elles avaient réussi à obtenir l’appui de trois ayatollahs influents, « qui se sont prononcés en faveur d’une relecture des lois coraniques concernant les droits des femmes » . Mais le président Mahmoud Amadinejad a cherché l’appui d’autres chefs religieux conservateurs. Pendant ce temps, les livrets à la main, les militantes ont été au-devant de la population, notamment des couches populaires. « La plupart des militantes de cette campagne ont moins de 30 ans , note Nahid Keshavarz. Et il y a aussi des hommes parmi nous. Leur présence démontre que l’égalité des droits n’est plus seulement un problème pour les féministes : c’est un problème de société. »

Malgré les pressions multiples du gouvernement et les emprisonnements de militants, Nahid Keshavarz a rappelé que les collectes de signatures se poursuivaient dans les lieux publics. Faisant allusion aux mouvements sociaux en cours aussi chez les étudiants et les travailleurs, elle a souligné que les femmes n’étaient pas isolées : « Il faut soutenir toute la société civile iranienne, et les menaces de guerre n’y changent rien. La solidarité internationale porte chaque fois ses fruits, nous donne du courage et infléchit la répression. » Si ces militantes ne se cachent pas et mènent au grand jour leur combat, la répression est quand même omniprésente. Une amie de Nahid, Maryam Hosseinkhah, a récemment été arrêtée pour « atteinte à la sécurité d’État, et publication de mensonges… » . De retour à Téhéran, Nahid Keshavarz a été convoquée chez le juge et auditionnée. Une webjournaliste du site de la campagne a, elle, été arrêtée. Une délégation du Parlement européen devrait bientôt se rendre à Téhéran pour rencontrer certaines de ces militantes.

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