Attali et le numérique
dans l’hebdo N° 987 Acheter ce numéro
Dans son rapport sur la libération de la croissance, Jacques Attali consacre une bonne partie du chapitre 3, « Les révolutions à ne pas manquer », au numérique. Le vocable englobe Internet, les services sur mobiles, la TNT, la presse et ses dérivés électroniques et les nanotechnologies. Le chapitre ouvre sur un constat plutôt sévère : 20 % du territoire non couvert, 49 % de foyers non connectés (la France est 14e au palmarès des pays de l’Union pour l’accès des ménages à Internet), PME insuffisamment équipées, manque d’investissement (deux fois moins que les États-Unis ou la Finlande), absence de sociétés leaders dans l’équipement ou les logiciels etc.
Attali n’a pas de solutions miracles. Le rapport égrène une quinzaine de « décisions » pour rattraper ce retard. Bon nombre de ces mesures ont déjà été programmées ou mises à l’étude par les gouvernements précédents. Haut débit pour tous en 2011. En 2003, Raffarin l’avait promis pour 2007. Donations de PC usagés, soutien aux étudiants et microcrédit social pour l’équipement sont déjà sur les rails. Le brevet informatique et Internet pour les collégiens existe depuis 2000. Les mesures visant à « réduire les fractures numériques » sont réduites à la portion congrue ou très imprécises, comme ces « tuteurs » chargés de « l’apprentissage des TIC par tous à domicile » .
Mais ce qui fait réagir la communauté Internet, c’est cette petite phrase : «~Les réflexes collectifs face à la révolution numérique restent parfois frileusement défensifs sur les droits d’auteur et la gratuité des données publiques . » Et deux propositions en rupture avec les politiques actuelles. La première suggère d’imposer aux fournisseurs d’accès une contribution assise sur le volume global d’échanges de fichiers vidéo ou musicaux, afin de rémunérer les auteurs d’oeuvres musicales et audiovisuelles. À l’instar des partisans de la « licence globale », Attali veut dépénaliser le téléchargement gratuit et en finir avec le contrôle des usages individuels, contraire aux libertés et constituant « un frein majeur à la croissance » . Une position qui va à l’inverse des mesures instaurées par la mission Olivennes, et défendues par Nicolas Sarkozy.
La seconde proposition vise à augmenter la part de marché des logiciels libres, en garantissant une meilleure concurrence entre solutions libres et propriétaires dans les appels d’offres. Et en s’engageant à ce que 20 % des applications développées pour le secteur public soient en open source d’ici à 2012. La communauté du Libre applaudit, les autres jugent la mesure « iconoclaste » .