Face à elle

« Elle s’appelle Sabine », documentaire de Sandrine Bonnaire sur sa sœur autiste, interpelle la société
et interroge chacun de nous.

Christophe Kantcheff  • 31 janvier 2008 abonné·es

Sabine est autiste. Elle est la soeur cadette de Sandrine Bonnaire, qui en a réalisé un portrait : Elle s’appelle Sabine . Qu’est-ce que cela signifie de dire que c’est un beau film~?

D’abord, il ne s’agit ni d’un film prétexte ou compassionnel qui mettrait en valeur la générosité de l’actrice consacrée, ni le beau geste cynique d’une people. Loin de cela, Elle s’appelle Sabine est le film d’une soeur mais aussi celui d’une cinéaste. Autrement dit, si le regard posé par Sandrine Bonnaire sur Sabine est mû par le désir de la filmer, celui-ci a été interrogé pour que la rencontre avec le spectateur se fasse sans précaution parasite ainsi que dans le respect de la personne de Sabine.

Évitant toute image dégradante ou, à l’inverse, édulcorée, Sandrine Bonnaire accompagne sa soeur dans son cadre quotidien, celui d’une structure médicale adaptée. Sa caméra la suit lors d’un goûter, d’une balade dans le village, d’une virée dans la grande ville pour un déjeuner au fast-food puis l’achat de vêtements… Dans toutes ces situations, le regard de Sandrine Bonnaire ne se focalise pas sur sa soeur. Même si celle-ci est évidemment très présente, son environnement ­ le personnel encadrant et soignant, les autres patients, les personnes rencontrées… ­ n’est jamais hors champ. Parce que le film veut montrer la qualité de tels lieux de soins et plaide pour qu’ils soient plus nombreux. Mais aussi parce qu’ Elle s’appelle Sabine n’est pas un film égoïstement familial. Ainsi, Sandrine Bonnaire procède à l’interview de la mère d’un jeune patient, qui raconte la découverte de la maladie de son fils, le désarroi, le sentiment de culpabilité, l’inquiétude de l’avenir, et une expérience forte : un jour, elle a avalé par erreur les médicaments nécessaires à son fils, qui l’ont endormie pendant quarante-huit heures…

Avec Sabine, Sandrine Bonnaire parle aussi en tête à tête, dans la chambre de celle-ci. Les propos de Sabine sont entrecoupés par une ritournelle obsessive : inquiète, elle ne cesse de demander à sa soeur si elle reviendra la voir le lendemain. Et malgré sa lenteur, ou ses poussées de violence, elle répond sur sa vie quotidienne, ses peurs, et à quelques questions sur le passé.

Car Elle s’appelle Sabine raconte aussi l’histoire de Sabine sur le mode du flash-back. Sandrine Bonnaire utilise d’anciennes images familiales, où l’on voit sa soeur, une jolie et fière adolescente, musicienne et farouche. On apprend, via la voix off de la réalisatrice, que son agressivité a commencé à être dangereuse quand elle s’est retrouvée seule avec sa mère. À l’époque, les centres médicaux l’ayant refusée pour manque de place, Sabine a été placée à l’hôpital psychiatrique. Elle en est ressortie cinq ans plus tard, abîmée, régressive.

Une des scènes les plus risquées : Sandrine montre à Sabine des images de leur joyeux voyage aux États-Unis effectué des années plus tôt. Sabine semble s’effondrer avant de dire qu’elle pleure de bonheur. Elle s’appelle Sabine s’achève sur cette simple question, la question : Sandrine Bonnaire ne sait si un jour elle pourra refaire ce voyage avec sa soeur, ou bien si sa maladie suivra inexorablement son cours destructeur.

Culture
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