Génération Besancenot

Le parti anticapitaliste plébiscité lors du congrès de la LCR veut être celui d’une « nouvelle génération ». Mais cette dernière, loin d’être unanimement enthousiaste, s’inquiète d’un projet trop cadré.

Jean-Baptiste Quiot  • 31 janvier 2008 abonné·es

Avalisé à 83 % lors du congrès de la LCR, le projet en faveur d’un nouveau parti anticapitaliste ­ les militants parlent déjà du NPA ­ est sur les rails. Il devra s’adresser « aux jeunes » , a indiqué Olivier Besancenot. « Il faut être en phase avec notre temps et avec l’urgence de la situation , a-t-il ajouté *. Il faudra aussi renouveler, en termes générationnels, la direction. »* Un nouveau parti donc, ouvert à la « nouvelle génération » , fait pour les jeunes et par les jeunes.

Illustration - Génération Besancenot


Olivier Besancenot, dans le quartier de La Coudraie, à Poissy, pendant la campagne présidentielle. De Sakutin/AFP

Et quoi de mieux que l’enthousiasme et la radicalité de la jeunesse pour dynamiser le mouvement ? Surtout si elle suit comme un seul homme le charismatique porte-parole de la Ligue, qui « était quand même le seul candidat à la présidentielle à avoir moins de 40 ans et le seul à ne pas avoir connu Mai 68 » , rappelle Corentin, délégué de 18 ans et étudiant en théâtre à Marseille, qui, sans avoir connu la révolte de 68, arbore néanmoins la coupe de cheveux et la tenue vestimentaire des années 1970. Mais il n’est pas sûr que l’inexpérience implique la docilité. Et si ce nouveau parti doit être « en phase » avec la jeunesse, cette dernière l’est-elle avec le projet de la direction nationale de la LCR ?

« La LCR doit s’adapter. Les jeunes se méfient des organisations politiques. Ils veulent des réponses rapides. En créant un nouveau parti, on leur dit qu’ils ne seront pas seulement les instruments d’un mouvement déjà existant mais les acteurs de la création d’un nouveau parti » , explique Loïc, 23 ans, qui milite à la LCR depuis cinq ans et soutient la proposition de la direction en faveur du NPA. Cela veut-il dire que la LCR doit abandonner ses références au trotskisme et à la révolution ? « On ne pourra pas être seulement une organisation trotskiste , répond Corentin. On laisse ouvertes les questions d’ordre général du type : faut-il se débarrasser de l’État bourgeois ? Nous voulons un mouvement qui révolutionne la société. » Mais, alors, la LCR prend-elle réellement le risque de se fondre au sein du nouveau parti et de disparaître au profit d’un mouvement pluraliste ? « Nous sommes à 100 % pour que la LCR devienne minoritaire. À Marseille, nous avons déjà un comité pour la création du nouveau parti, où la LCR est sous-représentée. Nous ne sommes que 20 sur 80 personnes » , poursuit-il. Loïc nuance toutefois : « Ce n’est pas un problème si la LCR devient un courant minoritaire. À condition qu’on soit sur une ligne claire. Pas comme Die Linke en Allemagne. » D’accord, donc, pour être minoritaire en nombre, mais surtout pas sur le contenu : aucune alliance avec d’authentiques réformateurs et d’autres organisations politiques, et rejet total du PS et du PCF.

Tous sur la ligne de Besancenot ! Tel semble donc être le mot d’ordre des jeunes délégués au congrès de la LCR. Et gare à ceux qui s’en écartent (voir encadré). Cependant, comme le souligne Alain Faradji, partisan d’un rassemblement plus large : « On dit souvent que, dans la Ligue, les jeunes sont avec Besancenot. Ce n’est pas vrai ! Il y a autant de jeunes qui sont convaincus par la proposition de la plate-forme B, pour un parti pluraliste et rassembleur à la gauche du PS, que par la plate-forme A » , présentée par la direction de la Ligue.

Florent Naranjo, un délégué clermontois de 23 ans, est l’un de ceux-là. « Il y a des chances pour que les jeunes soient attirés par le discours sur ce nouveau parti et surtout par la figure d’Olivier Besancenot , explique-t-il *. Mais ils risquent d’être surpris par la pratique réelle et déçus par le double langage. »*

Sur cette « pratique réelle », son camarade Guillaume Comptour, 21 ans, est plus précis : « À Clermont-Ferrand, nous avons soutenu la campagne Bové parce que c’était en cohérence avec ce qu’avait dit la Ligue. Pour nous sanctionner, la direction a voulu dissoudre la section et nous radier. Mais elle a préféré organiser une scission en créant une deuxième section qui nous met des bâtons dans les roues et essaye d’attirer les jeunes. Heureusement, ces derniers se rendent compte que c’est notre section qui est implantée là depuis longtemps et qui n’est pas sectaire. »

Pas si facile que ça à embrigader, « la nouvelle génération » , qui fait peut-être parfois preuve d’un peu trop d’autonomie au goût de la direction nationale ! Et c’est sans doute pour cette raison que la discussion d’une « proposition commune entre les directions des JCR et de la LCR sur le travail jeune » , portant notamment sur « l’autonomie » des jeunes à l’intérieur du futur parti, était aussi à l’ordre du jour du congrès. Une autonomie que la direction voudrait bien voir « cadrée ». Cette proposition établit un protocole qui permettra « la création d’un secteur jeune autonome national à l’intérieur du parti » . Assez précis, ce texte stipule, par exemple, qu’un secrétariat national se réunira tous les quinze jours et aura pour prérogative la charge « d’un journal national mensuel, des tracts jeunes et de l’animation d’un site jeune propre, intégré au portail du nouveau parti » .

Pour Antoine, qui discute ce projet à la tribune, cette proposition n’a pas été négociée de manière démocratique. « Seules les directions de la JCR et de la LCR ont discuté de ce texte, explique-t-il *. Les secteurs jeunes de la LCR n’y ont pas participé. De fait, on exclut une partie des jeunes de ce qui devrait être un élément du processus constituant du nouveau parti. »* Guillaume confirme . Par ailleurs, « si nous sommes tous d’accord sur l’unification et l’autonomie de la jeunesse, pourquoi le faire avant le processus constituant du NPA avec une motion qui ficelle tout par avance ? » , demande un autre orateur, Denis, délégué parisien. On ne peut pas commencer comme ça en réglant tout dans les moindres détails. C’est ne pas faire confiance aux jeunes. On envoie un mauvais message. » Et Antoine de conclure : « Si le NPA était autant cadré, tout le monde serait contre. »

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