Le droit aux images

Les acteurs de l’action culturelle cinématographique se sont réunis le 11 janvier pour répondre aux attaques du gouvernement. Leur mobilisation est en cours, qui fédère aussi des cinéastes et la filière professionnelle des indépendants.

Christophe Kantcheff  • 17 janvier 2008 abonné·es

Tous, ils étaient tous là. Ils n’ont cessé de s’en réjouir, de s’en étonner aussi. Dans la grande salle bourrée à craquer (plus de 300 personnes) du cinéma le Saint-André-des-Arts à Paris, ils étaient tous là : des producteurs, des distributeurs, des exploitants, des cinéastes (dont Nicolas Klotz, Jean-Pierre Thorn, Gilles Porte, Éric Guirado, Christian Rouaud)… Toute la « filière cinéma » (celle des indépendants) a répondu présent ce vendredi 11 janvier pour apporter son soutien et témoigner de sa solidarité aux acteurs de l’action culturelle cinématographique, aujourd’hui menacés par l’État (Voir Politis du 29 novembre et du 13 décembre.). À l’initiative de ce rassemblement national et de la pétition « Cinéma et audiovisuel, vers le démantèlement de la diversité culturelle ? », une kyrielle d’associations qui oeuvrent pour la diffusion culturelle, l’éducation artistique et l’organisation de festivals. Parmi elles, l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion, l’Association des cinémas de l’Ouest pour la recherche, l’Association des cinémas de recherche d’Île-de-France, l’Agence du court métrage, Carrefour des festivals, les Enfants de cinéma, le Groupement national des cinémas de recherche…

Illustration - Le droit aux images


Les déclarations incohérentes de Christine Albanel ne peuvent apaiser la colère des associations. DEMARTHON/AFP

Deux cents structures au total qui, par un patient travail sur tout le territoire, permettent notamment à des populations éloignées des salles, tant du point de vue social que géographique, d’avoir accès à la diversité du cinéma, à des films exigeants de trouver leur public, et à des élèves de toutes conditions de nourrir leur sensibilité et leur réflexion grâce aux oeuvres et à la médiation pédagogique assurée par les enseignants, les exploitants et les créateurs. Bref, une grande entreprise de démocratie culturelle, cette notion tant vantée par Nicolas Sarkozy dans sa lettre de mission à sa ministre de la Culture, Christine Albanel. Sauf que le président de la République produit du discours comme Catherine II de Russie construisait ses villes : les façades sont belles, mais derrière, le néant.

Plusieurs intervenants ont ainsi rappelé l’envers du discours : une baisse importante des crédits alloués à la diffusion culturelle cinématographique ; l’incertitude sur la manière dont les directions régionales des affaires culturelles et le Centre national du cinéma vont pallier le retrait des aides directes de l’État ; ou encore l’absence à ce jour de représentants de la filière cinématographique du programme des entretiens de la rue de Valois, voulus par la ministre. Récemment, celle-ci a tenté d’éteindre le feu de la colère qu’elle sentait monter à juste titre. En vain. Dans un communiqué, le 7 janvier, elle annonce que « la nouvelle enveloppe budgétaire » allouée à son ministère fin décembre « bénéficiera aussi » à l’action culturelle cinématographique. Problème : les 34,8 millions d’euros débloqués avaient été présentés comme une rallonge pour le spectacle vivant. Mais voici que le conseiller de la ministre pour le cinéma, François Hurard, annonce sur France Info le 11 janvier que des crédits spécifiques ont aussi été réservés pour le cinéma. Problème : il ne sait pas dire combien. Plus cohérent et convaincant, tu meurs…

Mais les intervenants ont tenu à donner un tour positif à leurs propos. D’abord en redéfinissant le sens de leurs missions : « Favoriser l’accès des publics à des cinématographies singulières répond de façon complémentaire et indispensable à une exigence de démocratie culturelle avec le double principe de formation et d’élargissement des publics » , ont-ils rappelé dans un texte introductif. Ils ont aussi souligné le rôle économique qu’ils jouent au sein de la filière et par là même le soutien à la création que leurs activités génèrent. D’où l’appel à la solidarité lancé à toute la profession, même à celle qui penche davantage du côté de l’industrie que de l’art. « Attaquer la marge, c’est s’en prendre au centre » , a-t-il été dit, paraphrase d’un célèbre aphorisme godardien. Mais, pour l’heure, des groupes comme UGC ou MK2 préfèrent traîner devant le tribunal administratif certaines salles indépendantes et/ou municipales ­ le Méliès à Montreuil, le Comoedia à Lyon ­ pour « abus de position dominante »

Qu’à cela ne tienne. L’ambiance était roborative au Saint-André-des-Arts, et la mobilisation prometteuse. Des représentants de SUD Culture, de la CGT du ministère de la Culture, de la CGT-spectacle et des techniciens CGT, du conseil régional d’Île-de-France, de la fédération française des MJC et d’associations d’enseignants étaient venus en renfort. Robin Renucci a insisté sur la nécessité d’une jonction avec le milieu théâtral. Le réseau des éducateurs et des passeurs d’images est en branle. « Il faut continuer cet effort de mobilisation collective , ont-ils conclu. C’est le bon moyen pour faire peur au gouvernement. » À suivre, donc.

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