Le jour de l’Aïd à Gaza
Médecin, Christophe Oberlin a effectué une quinzaine de missions dans les territoires palestiniens occupés. Il raconte l’attaque d’El Maghazi dont il a été témoin, le lendemain de la fête du mouton, fin décembre.
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Le jour de l’Aïd, on tue un mouton par famille ou une vache pour cinq familles, quand on en a les moyens. ABED/AFP
La vache se redresse péniblement. L'incision était bien placée, mais le couteau un peu trop court pour être pleinement efficace. Celui qui pratique le sacrifice, en ce jour de l'Aïd, est un gynécologue obstétricien spécialiste de fécondation in vitro. Deux de ses frères, l'un électronicien, l'autre chirurgien réputé, sont là, avec leurs enfants. Tous contemplent le spectacle, sans compassion apparente, avec plutôt une intense curiosité. Je m'interroge sur l'absence d'émotion visible chez ces enfants dont le plus jeune doit avoir 5 ou 6 ans. La réponse est peut-être sur les murs qui nous entourent, tapissés de photos de visages au format d'affiches. Les plus fraîches ont toujours leurs couleurs : Amer, 20 ans, assassiné en juin dernier. Son meilleur ami, Walid, le tient affectueusement par l'épaule. Il a été tué trois semaines plus tard. Les autres affiches, plus anciennes, montrent des visages délavés, tirant sur le bleu ciel. Et je sais que ces enfants ont vu, touché et embrassé leur cadavre.
Quand la bête est définitivement à terre, les plus grands séparent la peau des muscles puis désarticulent les quatre membres, suspendus pour être découpés en larges tranches qui atterrissent dans des cuvettes en plastique. Les plus petits travaillent par groupes de deux. L'un tient solidement l'extrémité d'un gros morceau de viande, tandis que l'autre agrippe
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