Les droits humains en débats

Le Forum social maghrébin, qui se tenait du 25 au 27 janvier à Bouznika (Maroc), a remporté un vif succès. Compte rendu de Karine Gantin, membre du Cedetim.

Karine Gantin  • 31 janvier 2008 abonné·es

Parmi les réussites à mettre à l’actif du Forum social maghrébin (FSMagh) de Bouznika (Maroc), un débat public sur les droits humains au Maghreb, qui a réuni la quasi-totalité de la Coordination maghrébine des droits humains (Comdh). À l’issue de la réunion, Khadija Ryadi, présidente de l’Association marocaine des droits de l’homme, pouvait lancer sur un mode encore ironique : « L’année 2008 verra certainement le décollage de la Comdh. »

Autre succès majeur du forum, la coordination des mouvements travaillant sur les flux d’immigration entre Afrique subsaharienne, Maghreb et Europe. La question du Sahara occidental a pu également être discutée avec l’ensemble des acteurs concernés, ce qui est une gageure au Maroc. De fait, le forum a permis l’expression, voire la confrontation, des identités et mouvances politiques qui travaillent au Maghreb : pro ou anti-indépendantistes sur la question du Sahara occidental, courants amazighs et arabophones, tendances de gauche et d’extrême gauche… Et, bien sûr, omniprésente, transparaissait la ligne de fracture entre militants démocrates laïcs et ceux d’identité politique musulmane et islamiste, tous réunis pour le forum malgré l’absence des figures de proue des partis islamistes qui avaient focalisé l’attention lors des élections marocaines de l’automne dernier. Les mouvements jeunes et des quartiers populaires présents, forts d’un travail social et éducatif local impressionnant, s’accommodaient quant à eux assez naturellement d’une juxtaposition des militants de sensibilités diverses, comme l’ont prouvé les associations présentes, notamment RESAQ, réseau des associations de quartiers et bidonvilles du Grand Casablanca, fort de 400 participants au Forum de Bouznika.

Rares étaient les Libyens présents, « en raison de la faiblesse de la société civile dans ce pays » , résume le Marocain Kamel Lahbib, fondateur de l’Espace associatif à la fin des années 1990 et, plus récemment, du Forum alternatives Maroc (FMAS), pivot dans l’organisation du Forum. Le secrétaire général de la Ligue des droits humains libyenne, Sliman Bouchuiguir, a fait preuve d’humour dans son intervention : « Pardon de ne savoir bien parler, en Libye nous avons d’abord appris à écouter… En Libye, nous ne réclamons pas des élections libres, mais simplement des élections, même truquées. »
La représentation algérienne avait été l’objet de batailles politiques en amont du forum, du fait de tensions autour, notamment, du Forum social algérien, association dont la légitimité avait été contestée. Une « deuxième délégation », composée essentiellement du Rassemblement actions jeunesse (RAJ) et du Collectif des familles des disparus, a fait entendre à Bouznika les voix des mouvements sociaux et des revendications démocratiques algériennes. Les syndicats autonomes de la Fonction publique, qui préparent d’importantes grèves nationales en Algérie du 10 au 12 février, étaient absents.

À l’issue des assemblées des mouvements sociaux du dimanche matin, deux communiqués transversaux ont été produits. L’un protestait contre le refus d’entrée sur le territoire marocain opposé à Khemais Ksila, secrétaire général de la Ligue tunisienne des droits de l’homme, attendu à Bouznika. L’autre appelait à une journée de solidarité maghrébine avec Gaza assiégé, le 15 février, et demandait l’envoi d’une délégation du Conseil international des forums sociaux à la frontière palestino-égyptienne.

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