Copain d’abord

Chanteur à succès, Cali affiche des prises de position politiques. Un cas de plus en plus en rare dans le paysage de la chanson française, trop soumise ou trop marginale. Titre de son nouvel album : « l’Espoir ».

Éric Tandy  • 7 février 2008 abonné·es

« Cali n’a toujours pas sa vie étalée dans Voici … Il n’a toujours pas eu de Victoire de la musique, il n’a toujours pas serré la main de Sarkozy. » Ces quelques mots sont extraits du dossier de presse accompagnant la sortie de l’Espoir , le nouvel album de l’auteur de « C’est quand le bonheur ? », très gros succès de la chanson française en 2003. On s’en doute, il s’agit là de marketing, d’une façon de transformer un credo bien réel en créneau vendeur, une façon de montrer que Bruno Caliciuri (son vrai nom) fait partie des rares jeunes chanteurs populaires d’aujourd’hui à ne pas avoir fait allégeance. Un bon point pour lui ; et un bon point aussi pour sa maison de disques, qui sait qu’une partie des acheteurs de CD boude les artistes qui transforment l’Élysée en un nouveau Saint-Tropez showbiz des années 2007 à 2012…

Cali est heureusement ailleurs. À l’âge de 20 ans, il se présentait aux élections municipales de son village du Sud-ouest, à Vernet-les-Bains, sous l’étiquette à la fois provocatrice et fantaisiste de « Jeunesse incorruptible ». Plus récemment il lançait très sérieusement « Les papas = les mamans », une association qui se bat pour que la garde de l’enfant soit alternée d’office quand les parents se séparent : « Actuellement, 10 % seulement des pères obtiennent la garde, dit-il, alors qu’un gamin a besoin de l’éducation de ses deux parents. Nous ne défendons pas les pères, comme me l’ont reproché les Chiennes de garde, mais bien les enfants. »
Lors de la dernière élection présidentielle, beaucoup de ceux qui aimaient son côté « ado, copain de tous » ont quand même été surpris de le découvrir dans le carré des artistes proches de Ségolène Royal. Un ralliement peu critique qui a évidemment agacé une partie de ses admirateurs venus l’entendre au moment des Avis de K.-O. social (manifestations mi-interventions politiques ou citoyennes, mi-musicales, initiées par les Têtes raides). Aujourd’hui, le chanteur ne se dit pas embarrassé par ses prises de positions électorales (« J’ai gardé ma carte du PS, je ne voulais pas faire partie des rats qui quittent le navire »), même s’il avoue avoir été ébranlé par ses rencontres avec des hommes politiques du même bord : « Pendant la campagne, en discutant avec certains d’entre eux, je me suis vraiment rendu compte que leur milieu était ultraviolent. Tu meurs un jour, tu renais un autre… Ça, je leur laisse ! » <

Après la victoire de Nicolas Sarkozy, Cali est donc revenu à la musique, à ses chansons parfois faciles, parfois énervantes, pour cause de lyrisme excessif, mais parfois aussi assez justes. En écrivant son troisième album, il les désirait plus pédagogiques, utiles. Une sorte de nécessité pour quelqu’un qui est né en 1968, a commencé sa carrière musicale en jouant du punk rock « positif à la Clash » et est aujourd’hui père de famille : « Dans mon nouveau disque, l’engagement est plus clair, mieux dirigé. Je me sens responsable de ne pas laisser à mes enfants un monde comme celui dans lequel nous vivons : c’est ça l’urgence. De là un titre comme l’Espoir *, qui dit implicitement que ma génération a déconné, mais que celle qui la suit peut nous aider à remettre les choses à leur place. C’est d’ailleurs notre seule chance ! »* Ce vrai nostalgique des manifs anti-lois Devaquet s’adresse donc plus que jamais au public lycéen. En témoignent certaines paroles pleines d’un militantisme romantique aux accents juvéniles : « Je viendrai sourire et pleurer près de toi/Avec le poing serré je goûterai la joie » (« l’Espoir »).

Sur d’autres terrains, Cali peut aussi se montrer moins lyrique et beaucoup plus intéressant. Une chanson appelée « Giuseppe et Maria », par exemple, est une belle façon d’évoquer un grand-père qui, après avoir fui l’Italie, s’est retrouvé au Canada à défendre Sacco et Vanzetti avant de partir en Espagne pour combattre Franco, et fut blessé sur le front. Une caution familiale parfaite pour un artiste en quête d’idéal, même si cette recherche semble aujourd’hui amoindrie pour cause de proximité avec un parti et sa candidate : « L’histoire de mon grand-père me rend fier. Car, dès qu’il y avait une cause à défendre quelque part, et malgré les réticences de la famille, il y allait… » Mais l’essentiel, pour le moment, c’est peut-être qu’un chanteur populaire, écouté par au moins deux générations, élève la voix et dise que rien ne va. Ils ne sont plus très nombreux à le faire.

Culture
Temps de lecture : 4 minutes