Un amour simple

Jean-Paul Michallet
signe un livre où les mots palpitent.

Christophe Kantcheff  • 14 février 2008 abonné·es

Il suffit parfois d’un rien. D’un contretemps ou d’une attente prolongée pour qu’une brèche s’ouvre dans les jours ordinaires. Deux personnages, une femme et un homme d’un âge avancé, à la retraite depuis déjà quelques années, patientent en parlant des nuages et de l’orage qui se prépare. Leurs enfants doivent arriver pour déjeuner, mais ils ont du retard. Au début, rien ne distingue vraiment la voix de l’un de celle de l’autre. Après le temps qu’il fait, viennent d’autres sujets qui produisent de la conversation : leur maison, située dans un coin de campagne, qu’il faudra préparer pour l’hiver ; la mer, non loin, mais que l’on va trop peu souvent voir, le poisson cuisiné pour midi…

Puis, peu à peu, la conversion devient discussion. Les mots prononcés changent de nature. Ils étaient désincarnés ; ils se chargent du poids de la vie, alors que sur la platine tourne un disque de Dario Moreno, aux mélodies faciles, à l’opposé de ce qui se joue soudain entre elle et lui.

Même s’il met plus de temps qu’elle pour reconnaître qu’ils se sont rarement parlé ainsi, ils s’ouvrent bel et bien l’un à l’autre comme jamais. Qu’ont-ils fait de leur vie ? Quel a été leur rapport à leur travail, longtemps envahissant ? Que s’est-il passé au moment de prendre leur retraite ? Connaissent-ils vraiment leurs enfants ? Sont-ils devenus vieux ?

Leurs paroles semblent creuser toujours plus le sens de leur existence, et chacun des deux, désormais, parle de sa voix propre, à partir de son expérience singulière. Et même si les perspectives ne sont pas toujours enjouées, c’est à un superbe moment d’amour que le lecteur assiste. « C’est comme si nous nous découvrions… ou plutôt que nous nous découvrions quelque chose de neuf en nous » , dit-elle.

Il suffit parfois d’un rien. De deux personnages qui se répondent sur près de 120 pages pour écrire un livre profond. Jean-Paul Michallet a le don de la simplicité.

Culture
Temps de lecture : 2 minutes

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