Cinq villes à la loupe

Saint-Nazaire, Allauch, Montauban, Villeurbanne, Le Pré-Saint-Gervais : cinq villes pour cinq listes citoyennes de gauche à la compositon et à l’histoire diverses.

Michel Soudais  • 6 mars 2008 abonné·es

Saint-Nazaire

La cité portuaire de Loire-Atlantique a besoin d’ « un nouveau souffle à gauche » . C’est l’idée que défend la liste «~Label gauche~» ^2, conduite par Thierry Brulavoine. Ce professeur des écoles de 36 ans, militant syndical et associatif, se dresse d’abord contre « le déficit démocratique » nazairien imputable au socialiste Joël Batteux, maire depuis 1983, qui brigue un cinquième mandat. Absence de débat, gestion des principales associations de la ville par ses proches, décisions d’urbanisme contestables sont quelques-uns des griefs que pointe Label gauche.

Cette liste, qui rassemble des candidats divers attachés au principe d’une démocratie participative, d’échanges et de confrontations, désireux de remettre le citoyen au centre de la vie municipale, dénonce les aberrations et le coût des projets de reconversion du site de l’ancienne base sous-marine allemande, notamment la destruction des salles des associations dans la Maison du peuple et de la salle de spectacle sous la tour des syndicats. S’inquiète du projet d’accueillir 20 000 nouveaux habitants dans une ville, qui en compte déjà 70 000 et est bordée par la Loi littoral, le marais de la Brière et des zones humides d’intérêt écologique. Elle craint enfin que le projet du maire de faire de Saint-Nazaire « une grande ville moyenne de qualité » n’aboutisse qu’à créer « une grande ville de qualité moyenne » . De toutes les listes en présence, Label gauche est la plus attaquée sur le site Internet de «~L’esprit d’équipe~», la liste de Joël Batteux, qualifiée parfois de trotskiste, parfois de poujadiste. Un début de reconnaissance.

Allauch

Le nom même de la liste d’un collectif de citoyens allaudiens, «~Enfin la gauche à Allauch !~» ^3, est paradoxal puisque cette commune des Bouches-du-Rhône de près de 20 000 habitants, au nord-est de Marseille, est aux mains du socialiste Roland Povinelli depuis… 1975. Ce qui n’empêche pas la cité de figurer parmi les cancres de sa catégorie pour le logement social (2,6 %). En mai, Nicolas Sarkozy y a obtenu 64,3 %, et l’édile, qui se présente volontiers aux nouveaux Allaudiens comme « le Sarkozy d’Allauch » , associe sur sa liste à l’intitulé teinté de lepénisme, Allauch d’abord, des membres du PS, du MoDem et de l’UMP ! En sorte que « la gauche à Allauch » peut se targuer d’être la seule liste d’opposition et « rassembler toute la gauche » . Elle a le soutien de la LCR, des Rouges vifs ­ le cégétiste Charles Hoareau est le dernier de liste ­, du collectif antilibéral, de Ballon rouge, et même du PCF, qui avait quatre élus dans l’équipe sortante.

Si trouver des candidats n’a pas été évident, raconte Gilles Viallon, évoquant « un climat de peur » , sa liste bénéficie d’un bon accueil : « Les gens nous disent : enfin on a le choix. » En 2001, il n’y avait qu’une seule liste. Le choix de porter « un coup d’arrêt à la politique clientéliste » du maire et de « revenir à une gestion transparente, ouverte, ayant le souci de l’emploi, des services publics, du logement » .

Montauban

Le souvenir de la défaite de 2001 est à l’origine de «~Montauban citoyenne~» ^4. Après trente ans de gestion de gauche, une candidate RPR, Brigitte Barèges, emportait la deuxième ville de Midi-Pyrénées (55 000 habitants) à la faveur d’un fort taux d’abstention. « L’électorat traditionnel de la gauche ne s’était pas retrouvé dans la gestion de l’ancien maire et dans les orientations du PS » , explique Marie-Claude Bouyssi, la tête de liste. D’où l’élaboration d’un projet axé sur la solidarité, l’écologie et la démocratie, cette dernière étant présentée comme le « point fort ». « Nous voulons une démocratie citoyenne qui associe la population aux projets et à leur suivi » , insiste-t-elle. Comme cette enseignante retraitée, militante altermondialiste et syndicale, faucheuse volontaire, engagée dans l’aide aux sans-papiers au sein de RESF et présidente de l’association France-Palestine solidarité du département, deux tiers des colistiers sont des militants sans appartenance politique. Le tiers restant, à l’exception de deux socialistes dissidents, est au PCF, seule formation politique à avoir répondu à l’appel au « rassemblement des forces de gauche sur une base antilibérale » de Montauban citoyenne.

Cette dernière, soucieuse avant tout de battre Mme Barèges, n’est pas hostile à une fusion avec la liste PS-PRG-Verts-MRC conduite par Claude Mouchard. « Mais pas pour faire n’importe quelle politique » , précise Marie-Claude Bouyssi, qui craint que le candidat socialiste attende de voir si une entente avec le MoDem ne serait pas plus payante.

Villeurbanne

« La gauche c’est nous ! » affirme crânement le « Collectif villeurbannais pour un rassemblement antilibéral~». Le Covra ^5, né avec l’appel des 200 pour le « non » au traité constitutionnel européen, a déjà présenté une candidature unitaire PCF-LCR, Martine Richardin-Gilles Lemée (4 %) aux législatives. Avec le même duo, mais inversé, il veut cette fois bousculer la gestion très social-libérale de cette ville ouvrière de 140 000 habitants, socialiste depuis des lustres. En cause, Jean-Paul Bret, maire depuis 2001, présenté comme « autoritaire » avec « tous les défauts du notable » : « Les pue-la-sueur ne l’intéressent pas » , s’agace Pascal Lebrun, un communiste unitaire ; il « laisse faire la sélection sociale », qui, par le biais de la pression foncière, « pousse les couches les plus populaires à s’éloigner » . Refus de l’urbanisme anarchique, défense des services publics, gestion publique de l’eau et de la collecte des ordures ménagères figurent parmi les premières propositions du Covra, qui a amorcé une démarche de cahiers de doléances dans les quartiers. Revendiquant un certain « artisanat » , le Covra se réunit dans les cafés, faute d’obtenir du maire des salles de réunions. S’il ne veut pas d’adjoint pour garder la liberté de vote de ses élus, il rêve d’une délégation à la démocratie participative avec des budgets dans les quartiers afin de ne pas se cantonner dans un rôle protestataire.

Le Pré-Saint-Gervais

Dans la plus dense des villes d’Île-de-France ­ 70 ha pour 18 000 habitants ­, les candidats d’«~À gauche autrement~» ont l’expérience des batailles municipales. En 1995, à leur première apparition, le maire (PS) Marcel Debarge leur prédisait 2 % ; ils en obtinrent 10 et 2 élus après fusion entre les deux tours. En 2001, le patron socialiste est Claude Bartolone : 16 % et 5 élus, dont un maire-adjoint. Mais faute de moyen, le groupe est vite retourné à une « opposition de gauche alternative » . Dimanche, sa tête de liste, Mariama Lescure, plaidera à nouveau pour une « participation réelle de la population » en proposant « un projet de démocratie locale en rupture avec les pratiques de la direction municipale sortante » qui font que « les décisions sont prises par un tout petit groupe de personnes » .

Ce groupe local pluraliste, dont les trois mots clés sont écologie, citoyenneté et égalité, est soutenu par les Verts, les Alternatifs et la LCR. Il reproche aussi au maire (PS), Gérard Cosme, une « gestion pépère » dépourvue de volonté politique de redynamiser la ville et de faire reculer les inégalités. Une gestion qui se contente d’ « engranger les votes majoritaires d’une population qui vote à gauche un peu par habitude » .

Politique
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