Happy birthday Mister Swing !

Pour le centenaire de la naissance de Stéphane Grappelli, ses héritiers, tels Didier Lockwood et Florin Niculescu, multiplient les albums
et les concerts en hommage au maître violoniste.

Ingrid Merckx  • 27 mars 2008 abonné·es

«After you’ve gone»… L’hommage à Stéphane Grappelli, pour le centenaire de la naissance du violoniste (28 janvier 1908), a débuté le 5 janvier, salle Pleyel. Avec le violoniste Florin Niculescu en maître de cérémonie. Une salle un peu guindée, malgré le ton du programme, très « Gypsy Project », pour reprendre le nom du disque enregistré en 2001, par le guitariste Biréli Lagrène, qui avait reformé, avec Niculescu notamment, le mythique Quintette du Hot Club de France. Et pas vraiment la fête sur scène : un Nicolescu très virtuose, très « pro », pas franchement à l’aise au micro, un Biréli d’humeur maussade, qui ne revient même pas pour le boeuf final…

Ce sont les guitaristes Marc Fosset et Martin Taylor qui se sont chargés des temps forts, des improvisations les plus enjouées et les plus inattendues. Jusqu’à ce que Didier Lockwood monte sur scène pour un duo d’anthologie avec Florin Niculescu. L’héritier légitime de Stéphane Grappelli et son héritier esthétique. Duel au sommet. Comme il y en a parfois en jazz, mais rarement au violon. Parce qu’ils sont rares, les violons jazz, surtout de cette trempe. C’est presque une spécificité française, dont Stéphane Grappelli, poulbot de Montmartre, autodidacte, d’abord musicien des rues et de cinéma muet, révélé assez tard et mort en décembre 1997, était l’éminent ambassadeur.

«Il avait une technique miraculeuse, jouait avec une justesse incroyable, avait un sens de l’improvisation que j’ai rarement vu. S’il connaissait tous les morceaux du monde, il se cantonnait à un répertoire serré. Il jouait « Nuages » tous les soirs. Mais à chaque fois avec une version nouvelle de la coda », raconte le batteur Daniel Humair, dans un des bonus vidéo de l’album For Stéphane, piloté par Didier Lockwood.

Ce nouvel hommage du « petit-fils » au maître, après son Tribute to Stéphane Grappelli en 2000, compte une vingtaine de titres choisis par Jean-Philippe Viret, le contrebassiste qui a accompagné Grappelli jusqu’à son dernier coup d’archet.

Pour les interprétrer, des musiciens qui l’ont bien connu, l’admirent ou s’inspirent de sa musique. Des jeunes du Centre des musiques Didier-Lockwood, comme les frères Enhco, pianiste-violoniste et trompettiste (« Sweet Georgia Brown »), ou Fiona Monbet, violoniste de 17 ans (« Tiger Rag »). Et des moins jeunes, comme l’accordéoniste Marcel Azzola (« Valse du passé »), l’harmoniciste Toots Thielemans (« As Time Goes By »), le guitariste Romane (« Night and Day »), ou la chanteuse Dee Dee Bridgwater (« The End of a Love Affair »). Le 26 mars, à Paris, Lockwood invitait la plupart à répéter leurs saluts live au Théâtre des Champs-Élysées, point de départ d’une tournée internationale « Pour Stéphane »
[^2].

« Stéphane Grappelli était la figure emblématique du jazz français à l’étranger », résume Stéphane Portet, directeur du Sunset-Sunside, à Paris, qui lui a consacré une série de concerts entre le 29 janvier et le 2 février, avec Florin Niculescu, Costel Nitescu, Boulou et Elios Ferré, Thomas Enhco, Marc Fosset, Jean-Philippe Viret… « Le club était complet tous les soirs, se félicite-t-il *. Avec une clientèle plus jeune que d’habitude ! »*

La vogue du jazz manouche a sûrement joué, dont les musiciens issus de l’école roumaine sont les plus ardents représentants. Costel Nitescu, pas encore aussi connu en France que Nicolescu, a lui aussi répété les démanchés du maître. Témoin, Forever Swing, Grappelli forever , un album où il témoigne d’un jeu plus hard bop que les autres, moins « jazz-rock » que Lockwood, passé par d’autres styles, dont l’électrique, et moins « manouche » que Niculescu, dont on attend qu’il développe son propre projet.

Ce dernier vient néanmoins d’enregistrer son coup de chapeau personnel au Mister Swing, Florin Niculescu plays Stéphane Grappelli , à paraître fin avril. L’occasion, peut-être, de réentendre des incontournables de Grappelli comme « I got Rhythm », « Tears », ou « Minor Swing », avec de nouveaux chorus. Car Didier Lockwood en atteste pour tous : « Ça nous a fait avancer de revenir dans ses pas. »

[^2]: Elle passe notamment par Bruxelles (20 avril), Lagoa (Portugal, 11 mai), Alger (29 mai), Strasbourg (1er juillet), Roquefer (7 août).

Culture
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