Le chasseur, espèce protégée ?

Farid Benhammou  • 20 mars 2008 abonné·es

Le procès du chasseur ayant tué Cannelle, la dernière ourse pyrénéenne, a enfin eu lieu à Pau du 12 au 14 mars 2008. Contrairement à ce que disent régulièrement l’AFP ou France 3, il ne s’agissait pas d’une ourse réintroduite mais de l’ultime femelle de la sous-espèce locale, dans son bastion historique français, le Haut-Béarn. Les actes remontent au 1er novembre 2004, et ce procès a failli ne pas avoir lieu car le procureur souhaitait classer l’affaire en 2007. Autant de temps pour une affaire aussi symbolique, concernant le sort de la protection de la nature dans ce pays… Rappelons brièvement les faits. Après des tensions fortes entre les services de l’Environnement et ceux de l’Agriculture, qui souhaitent aménager la montagne en la cisaillant de pistes, la gestion des ours pyrénéens est finalement confiée à un syndicat mixte d’élus, proche du lobby agricole et de la chasse, qui utilise l’ours pour collecter des fonds sans rien faire d’efficace pour protéger l’espèce. Résultat, en 2004, il ne reste plus en Haut-Béarn que 4 ours, dont une femelle, Cannelle. René Marquèze, le chasseur qui l’a tuée au cours d’une battue au sanglier, dit avoir agi en légitime défense.

Pourtant, la Fédération départementale des chasseurs et la société de chasse locale avaient été informées de la présence de l’ourse et de son ourson dans le secteur. Le chasseur savait, pourtant il y est allé. René Marquèze n’est pas le seul à être impliqué dans cette affaire. Les pouvoirs publics, qui n’ont pas pu limiter la chasse sur ces territoires et mettre en place des mesures efficaces de protection de l’espèce, ont aussi une responsabilité. Cela incite l’avocat de la défense à affirmer que « son client n’est pas coupable de la destruction de l’espèce, même s’il est coupable du geste » . Le procureur, désireux de prononcer un non-lieu en 2007, souhaite maintenant que le chasseur soit relaxé. Le jugement sera prononcé le 21 avril. Si la relaxe est accordée, le statut d’espèce protégée de l’ours en France sera foulé au pied. À quoi bon tenter d’en réintroduire puisqu’il est plus risqué pour un chasseur de tuer illégalement un chevreuil ?

À l’heure où, sur pression des anti-ours, des hauts fonctionnaires ont été mandatés pour évaluer l’opération de réintroduction de 2006 en Pyrénées centrales
[^2], notons que les pouvoirs publics n’ont jamais déployé la même énergie pour comprendre les raisons de la disparition de l’espèce. Un besoin de cohérence se fait sentir quand, d’un côté, il y a nécessité de sauver un animal remarquable, et, de l’autre, une justice qui risque de donner un blanc-seing à ceux qui contribuent à éliminer une espèce protégée.

[^2]: À 300km du Haut-Béarn, des ours ont été réintroduits en 1996 puis en 2006.

Écologie
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