Mères gelées

L’une en a terminé avec ses dix ans de taule, l’autre bénéficie d’un aménagement de sa peine. Sorties des cellules froides, elles racontent le chemin difficile vers la réinsertion. À visage couvert, ou de dos, elles témoignent. S’agit pas de raconter ce qui a coûté l’incarcération, le passé, les actes répréhensibles. Non, le discours s’inscrit au présent et se tourne vers l’avenir. Il y a bien la prison qui est évoquée, il y a surtout la détresse de deux mères. Parce qu’on n’est pas mère à distance, ni dans l’intermittence. La première a vu ses enfants s’éloigner totalement durant sa décennie derrière les barreaux. La seconde a une garde épisodique de ses fillettes. Et justement, « le plus dur, c’est de ne pas les voir quand on veut » .

Au fil des mois, devant la caméra de Lucie Cariès, elles relatent la perte de leur identité de mère, les difficultés qui jalonnent le retour à une vie de femme libre. Âpre existence, âpres sentiments. Une vraie chienlit pour ces êtres « à la marge ». Dans la confrontation quotidienne, ou plutôt la contrainte, à vivre leur condamnation plus que la condamnation, une fin de peine qui précisément n’en finit pas de lanterner, sans la possibilité de se plaindre, sous la surveillance, le jugement des uns, des autres, des autorités comme du plus banal des voisins. Assurément un remarquable documentaire.