« Pourquoi nous serons au Salon du livre »

Le directeur de La Fabrique, éditeur de nombreux écrivains israéliens s’opposant à la politique d’Israël en Palestine, invite au discernement dans l’appel au boycott.

Denis Sieffert  et  Christophe Kantcheff  • 13 mars 2008 abonné·es


Malgré le contexte et malgré la récupération du Salon du livre au profit des officiels israéliens, vous avez décidé, en tant qu’éditeur, d’être présent. Pouvez-vous expliquer votre choix ?

Éric Hazan: Si j’étais un écrivain israélien résistant (je ne parle pas du «camp de la paix», je dis «résistant»), si le ministère des Affaires étrangères israéliennes, le ministère de la Culture m’avaient invité en me disant: «Venez participer sur le stand officiel à la célébration du 60eanniversaire de la création de l’État d’Israël», j’aurais répondu: «Non, je ne viendrai pas. Ne comptez pas sur moi pour cautionner une politique criminelle.»

C’est la position d’Aaron Shabtaï…

Exactement. Il y avait quarante écrivains israéliens invités officiels, ils ne sont plus que 39… Mais si j’étais le même écrivain résistant et que mon éditeur de Paris m’appelait et me disait: «Cette année, exceptionnellement, nous avons un stand pour protester par notre présence, par nos livres, par nos auteurs, par les débats que l’on va organiser contre cette opération « 60ans de l’État d’Israël »», alors je viendrais. Car, encore une fois, notre seule présence est une protestation. Mais ce mot de «boycott» ne convient pas s’il est employé sans discernement par des gens pris d’une radicalité subite.

Les États arabes aussi s’apprêtent à boycotter…

Que les États arabes, pour une fois, fassent quelque chose de fort et de digne, on ne peut que s’en féliciter. Que Tariq Ali refuse de participer au salon de Turin, où il était invité, je le comprends et l’approuve. Mais si j’avais invité le même Tariq Ali à venir sur le stand de LaFabrique, je pense qu’il serait venu. On peut faire la différence entre un podium officiel, avec le drapeau israélien, avec Shimon Peres et Nicolas Sarkozy, et une petite maison d’édition qui, par sa seule présence, fait scandale, et qui va s’efforcer de faire résonner ce scandale aussi loin que possible. Appeler au boycott, comme Ilan Pappé, devient alors incompréhensible.

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