Le «monde global» selon Pascal Boniface et Hubert Védrine

Denis Sieffert  • 3 avril 2008 abonné·es

Les atlas géopolitiques sont nombreux. Dans la catégorie des essais, ils finissent par constituer un genre en soi. Mais celui que nous livrent ces jours-ci le directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques, Pascal Boniface, et l’ancien ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, ne manque pas d’originalité. Les auteurs ont eu l’idée de proposer plusieurs grilles de lecture d’une même situation ou d’un même conflit. Il ne s’agit évidemment pas de leurs interprétations, dont on imagine qu’elles sont souvent voisines, mais d’une vraie exposition de points de vue qui sont ici présentés en raison même de leur audience ou de leur influence. Appuyés sur une cartographie de qualité, Boniface et Védrine regardent le monde tour à tour avec les lunettes de ceux qui défendent la thèse de la «communauté internationale». Pour ceux-là, la mondialisation économique et la globalisation en réseau hâtent la démocratisation et la libéralisation de l’économie. Pour d’autres, adeptes du «clash des civilisations» cher à Samuel Huntington, le monde est voué à des affrontements entre les huit civilisations qui le partagent, et notamment entre les civilisations occidentale, islamique et confucéenne. On connaît le succès de cette vision, notamment au sein de l’administration Bush. Les auteurs recensent deux autres thèses: celle d’un monde «unipolaire» , tournant autour de l’hyperpuissance américaine; et celle d’un monde «multipolaire» , probablement formé de vastes entités régionales. Dans ce dernier cas, la place d’une Europe indépendante des États-Unis reste à inventer.

Loi du genre, les auteurs passent en revue les grands problèmes de la planète, écologiques compris. Mais ils proposent ensuite une série de regards qui empruntent non plus cette fois à des «thèses» mais chacun à la subjectivité géopolitique et culturelle d’un pays ou d’une région. C’est «le monde vu des États-Unis», vu «par les Européens», vu «de France», vu «de Chine», du «monde arabe», «d’Afrique», etc. Des points d’observation et d’analyse qui trouvent leur ancrage dans des histoires et des traditions évidemment différentes. Une approche précieuse pour qui veut comprendre la complexité des situations et mesurer parfois la profondeur des abîmes qui séparent les peuples, ou en tout cas leurs dirigeants.

Idées
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