Qui veut la peau du web 2.0 ?

Christine Tréguier  • 3 avril 2008 abonné·es

En quelques semaines, pas moins de trois condamnations ont été prononcées contre des sites internet pour diffusion d’informations portant atteinte à la vie privée de tiers. La première a sanctionné LesPipoles (voir Babil du n°993 «Contrôle des flux», uniquement sur le site de Politis ) pour avoir repris un article (via un flux RSS pointant sur cet article), exposant la vie privée du réalisateur Olivier Dahan. La société Amen, hébergeur du site <www.arme-collection.com>, a, de son côté, écopé de 6000 euros, non pour avoir refusé de supprimer un contenu litigieux, mais pour ne pas l’avoir fait assez vite. La dernière affaire oppose le comédien Olivier Martinez à une vingtaine de sites web. Parmi ceux-ci, Fuzz, qui agrège des informations proposées par les internautes. Il est géré par Éric Dupin, journaliste et auteur du blog Presse-citron. L’objet de la plainte est un lien vers un article évoquant la liaison, au demeurant assez peu privée, de l’acteur Olivier Martinez avec une chanteuse australienne. Sans même prendre la peine, comme le prévoit la LCEN (Loi pour la confiance dans l’économie numérique), de signaler à Éric Dupin l’existence de ce lien, l’avocat du comédien (également avocat d’Olivier Dahan) l’a assigné en référé, réclamant 30 000 euros de dommages et intérêts, au grand dam de la blogosphère.

La sentence est tombée le 26 mars: partant du principe que « l’acte de publication doit être compris non pas comme un simple acte matériel, mais comme la volonté de mettre le public en contact avec des messages de son choix » , le juge considère que Dupin n’est pas hébergeur, mais éditeur de Fuzz. Et le condamne à 1000 euros de dommages pour avoir non pas écrit ou édité une information préjudiciable, mais simplement contribué à la diffuser. « C’est comme si on condamnait le kiosquier du coin », déplore son avocat, Me Sadde. En se fondant sur cette conception de l’édition, Nicolas Sarkozy aurait pu, par exemple, poursuivre Google News et tous les sites redirigeant vers l’article du Nouvel Observateur sur le fameux SMS destiné à Cécilia Sarkozy.

Pour éviter ce genre de dérive aux objectifs parfois très mercantiles, la LCEN avait établi un distinguo entre éditeur et hébergeur. Mais, quatre ans plus tard, le web2.0 (participatif) et sa capacité à disséminer de manière virale des informations pas toujours à l’avantage des «people», indispose. Régulièrement, les respectables élus du peuple s’offusquent de ce qu’ils décrivent comme un ramassis d’insultes et d’horreurs. Et les récents jugements apparaissent comme les signes avant-coureurs d’une reprise en main.

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