Bové et son peuple

Georges Bartoli et Thierry Baffou ont suivi José Bové durant toute sa campagne présidentielle. Un album de photos restitue cette aventure.

Patrick Piro  • 8 mai 2008 abonné·es

On a quelques prudences face aux compilations de souvenirs d’anciens combattants. Elles lorgnent souvent vers l’album de famille, manière d’entretenir les nostalgies qui font exister. Alors pourquoi un carnet de campagne électorale, fût-ce de José Bové ? Pour garder une trace visuelle de quatre mois d’aventure singulière ? Bové n’était pas partant : à quoi bon réchauffer la tambouille… Georges Bartoli et Thierry Baffou, qui l’ont suivi presque jour et nuit, ont rapidement perçu qu’il se passait quelque chose. Ils l’ont finalement convaincu qu’il y avait à raconter sur « cette France là… » que le candidat à la présidentielle a voulu rencontrer et représenter dans les urnes. Ils ont eu raison.

Bartoli, photographe et militant – un vrai sensible – a un talent évident pour l’imagerie sociale. Qui éclate à chaque page de cet album de photos. À part trois ou quatre d’entre elles, aucune n’a été publiée dans la presse. C’est donc un document original, au sens propre du terme, mais pas seulement.
D’abord, parce que ce livre évite le piège de la collection d’images d’actualité, relation à chaud d’une campagne et de ses urgences. À touches subtiles et percutantes, il dessine un portrait désirable, celui d’un peuple mêlé de militants et de citoyens portant l’espoir. Certes, on connaît la fin de l’histoire, et le résultat décevant du candidat altermondialiste. Mais il y a lieu de croire, suggèrent leur juxtaposition et l’œil de Georges Bartoli, que tous ces regards tendus, ces mains brandies, ces mines convaincues n’auront pas le caractère éphémère des soirées électorales. On devrait les revoir…

Ensuite, il y a Bové. Très présent, bien sûr, mais pas trop. Le politique a accepté que le photographe le montre dans son humanité et avec ce qu’il faut de distance, c’est rare. Ces deux-là se connaissent suffisamment pour pouvoir se dire les choses. José, une gueule et plus encore un profil, comme le révèle la couverture, convivial par nature, parfois risible. Et conservant une certaine sincérité dans l’adversité, comme sur cette photo où il pose, un peu dérisoire, avec l’écharpe d’élu de son directeur de campagne, Jacques Perreux, au milieu d’une avenue parisienne, le soir du 22 avril, « après les résultats ».
Il faut aussi saluer la belle efficacité de la mise en pages de Thierry Baffou, secrétaire de campagne de Bové. Et signaler la petite maison d’édition Goutte de sable, que cet agriculteur a cofondée en 2005. Dédiée à l’écologie pratique et aux questions sociales, elle imprime sur papier recyclé, localement, et incite les libraires à regrouper leurs commandes pour limiter l’impact des transports.

Idées
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