De l’Algérie

« Grand Ensemble », une variation poético-politique
de Nathalie Quintane.

Christophe Kantcheff  • 8 mai 2008 abonné·es

Se souvient-on que 2003 fut l’année de l’Algérie ? C’est à partir de cette idée, dont la pertinence reste à discuter et qui consiste à faire la promotion d’un pays pendant un an, que Nathalie Quintane a constitué Grand Ensemble. Constitué, car Grand Ensemble est un texte poétique composite, multipliant les angles d’approche ou d’attaque, et cherchant dans la langue, avec toutes les distorsions possibles, les sens de cette « célébration ».
« À la suite d’un herpès occurré à la lèvre supérieure en février deux mille trois et particulièrement défigurant, je décidai d’écrire un texte intitulé l’Année de l’Algérie. » Telle est la phrase qui ouvre Grand Ensemble et elle n’est évidemment pas anodine. Elle sous-entend que la relation entre les deux pays, et plus particulièrement celle qu’entretient la France envers son ancienne colonie, est de l’ordre du prurit. Elle donne aussi le ton, entre ironie et humour noir, ce dont on ne s’étonnera guère venant de Nathalie Quintane. Autre exemple : « Nous connaissons par cœur l’Afrique par le couscous et le djembé. »

Grand Ensemble fouaille dans les clichés, les idées reçues, les phrases inlassablement répétées, ou celles qui ne se sont pas effacées depuis la guerre d’indépendance, comme celle-ci : « Rien ne ressemble plus à un fellagha qu’un paisible berger » … Sous différentes formes – une suite hilarante de phrases sur des manifestations culturelles autour de l’Algérie ( l’Année de l’Algérie ), un étrange roman entre un Parisien et un Algérien de passage ( Une heureuse rencontre )… –, le livre prend le contre-pied de tous les bons sens. Et ce faisant, il met en exergue le danger des raisonnements « logiques », comme celui du colon qui a fait de l’Algérie un département français, définitivement « inexpulsable », se perpétuant sous une forme édulcorée dans le postcolonialisme, et dont l’année de l’Algérie ne fut pas exempte.
Il y a de la dynamite dans ce Grand Ensemble aux allures explosées. Et de l’émotion, subitement, dans ces dernières pages qui, à partir de quelques épitaphes lues sur des tombes d’Algériens, en imaginent les destins qu’elles résument.

Culture
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