L’Imec célèbre Mai 68

Politis  • 22 mai 2008 abonné·es

Deux belles publications sont proposées, à l’occasion de ce 40e anniversaire de Mai 68, par l’Institut mémoires de l’édition contemporaine, organisme où sont déposés nombre de précieux fonds d’archives d’écrivains ou artistes disparus. À partir de ceux des derniers poètes, romanciers et peintres du mouvement surréaliste, l’historien de l’art Jérôme Duwa s’est penché sur l’activité de l’ultime génération de cette mouvance artistique durant l’année 1968. L’auteur met ainsi en exergue trois lieux importants de création, investis par le groupe – Cuba, Prague et Paris –, où celui-ci s’est « en quelque sorte accompli » . Rejoints par des artistes de ces trois capitales, les surréalistes parisiens « vont évidemment se reconnaître, comme si l’histoire leur tendait une dernière fois un miroir » , dans le mouvement international de contestation de l’année 1968. Or, ces trois villes sont celles de la « profonde brisure du temps qui s’est produite » avec la « fin du rêve cubain, la fin de l’assouplissement politique à Prague, la fin de Mai 68 » , annonçant de fait la « fin du surréalisme » , qui intervient dès 1969…
La dispersion – autant géographique qu’affective – frappe en effet bientôt cette génération, réunie quelques années plus tôt sous l’égide du « grand magnétiseur de leur vie commune » , André Breton, disparu en 1966.

Particulièrement précieux, l’ouvrage de Jérôme Duwa, remarquablement illustré, témoigne d’un pan entier et méconnu de la vie artistique et littéraire de l’année 1968.
Autre volume, composé à l’aide d’archives par Caroline Hoctan, auteure d’un ouvrage remarqué sur les revues de la Libération, Mai 68 en revues offre un panorama très complet des diverses positions politiques et intellectuelles publiées à chaud dès les premiers jours de l’événement 68. Sélection des nombreuses publications périodiques de l’époque, on y retrouve le plus large éventail de commentaires et d’analyses, depuis les attaques de Maurice Bardèche – beau-frère de Brasillach – dans la revue au nom sans équivoque Défense de l’Occident, jusqu’aux articles de Philippe Sollers dans sa revue Tel Quel, alliée alors à celle des intellectuels du PCF, la Nouvelle Critique, en passant par ceux de Michel de Certeau dans Études, la revue des jésuites. Un ouvrage passionnant qui permet une véritable plongée dans les débats de l’époque.

Idées
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