Qui le Méliès gêne-t-il ?

Ce cinéma d’art et essai, à Grenoble, s’est vu refuser l’aide sélective par le CNC. Une décision très controversée.

Christophe Kantcheff  • 15 mai 2008 abonné·es

Dans la série des salles art et essai malmenées, le Méliès, à Grenoble, salle associative dans le giron de la Ligue de l’enseignement, a un adversaire original. Non pas un grand groupe, mais le Centre national de la cinématographie (CNC), dont la commission d’aide sélective à la création et à la modernisation des salles a émis récemment un « avis défavorable » à son projet de développement, le privant ainsi d’un soutien financier substantiel. Depuis, cette décision ne cesse de soulever l’indignation d’une grande partie de la profession. De l’Association française des cinémas d’art et d’essai au Groupement national des cinémas de recherche, en passant par nombre de réalisateurs, chacun salue le travail exceptionnel accompli par le Méliès et son directeur, Bruno Thivillier
– dans une salle mono-écran de 96 places ! –, et affiche son incompréhension, sinon sa colère.

Jusqu’à cet avis négatif , tous les feux étaient au vert : la ville de Grenoble, la Région Rhône-Alpes, la commission départementale (Isère) d’équipement cinématographique et l’Agence pour le développement régional du cinéma s’étaient déclarées en faveur du projet d’agrandissement à 3 salles et 524 places. Idem pour le chargé de mission cinéma de la Drac, qui notait : « Sachant que cette extension est indispensable à la pérennité du travail du Méliès, lequel est tout à fait exemplaire et unique à Grenoble en matière d’animation et de formation, la Direction régionale des affaires culturelles émet un avis très favorable au projet. » Plus encore, l’élaboration du dossier s’est faite avec le concours de la directrice du service de l’exploitation du CNC. Alors, sur quels arguments la commission du CNC a-t-elle bien pu se fonder pour justifier son refus ?
Sur deux arguments. Selon la commission, Grenoble serait « déjà équipé en salles art et essai » . Certes, le Club, programmé par Europalaces (Pathé-Gaumont), a le label. Mais seul le Méliès est classé recherche et découverte, jeune public, et répertoire et patrimoine. Et un simple coup d’œil sur sa programmation montre la singularité de son exigence.

Le second argument est d’ordre économique. Il reproche au projet son « coût extrêmement élevé » et un « ratio au fauteuil bien supérieur à la moyenne » . « Si, au lieu des 524 fauteuils, nous avions opté pour 800, le ratio serait moindre, répond Bruno Thivillier. Mais cela nous entraînerait vers un type de complexe que nous ne souhaitons pas et qui viendrait concurrencer d’autres salles. Or, c’est ce que la commission reproche déjà à notre projet. » En effet, la commission, dans son avis, n’hésite pas à citer cette phrase de la ministre de la Culture : « La commission doit être vigilante à ce que son intervention ne puisse venir fausser le jeu de la concurrence. »
Pour Bruno Thivillier, il est clair que la décision de la commission du CNC va dans le sens des groupes installés à Grenoble, Pathé en particulier. C’est pourquoi, alors que le nouveau Méliès est toujours d’actualité grâce aux collectivités territoriales en passe de combler la carence financière, il songe à un recours devant le tribunal administratif.

Culture
Temps de lecture : 3 minutes