Des arabesques dans la voix

Deux chanteuses renouvellent la musique arabo-andalouse de Constantine et d’Alger.

Denis Constant-Martin  • 26 juin 2008 abonné·es

La musique qualifiée d’arabo-andalouse est considérée comme la musique classique du Maghreb, Libye incluse, mais son influence se fait sentir sur tout le pourtour oriental du bassin méditerranéen, jusqu’en Turquie. Ses origines remontent aux royaumes arabes de la péninsule ibérique, d’où son nom. Elle aurait été mise en forme à la fin du IXe siècle par un esclave affranchi originaire de Bagdad, Ziryâb. Après 1492, elle s’enracine au Maroc, en Algérie et en Tunisie, où elle se diversifie en plusieurs écoles distinguées par leurs styles d’interprétations des 24 nûbas qui en constituent le répertoire canonique.
Ces nûbas, suites modales, instrumentales et vocales, ont été raffinées au fil de siècles de transmission orale et soigneusement enseignées par des associations musicales. En Algérie, trois grandes écoles se sont imposées : celles de Tlemcen, d’Alger et de Constantine.

Myriam Sultan est aujourd’hui une des meilleures représentantes de cette dernière, dont on désigne souvent la musique comme malouf. Elle en donne une version colorée, animée du dynamisme rythmique propre à sa ville, rappelant que la musique andalouse fut autrefois associée à la danse. Tout en voulant renouer avec la tradition de Constantine, elle introduit dans l’orchestre une basse électrique et une boîte à rythmes qui, si elles ne gênent pas, n’apportent pas grand-chose. En revanche, ses ornementations en coups de glottes et inflexions ponctuent avec bonheur les vives mélodies qu’elle chante.

Beihdja Rahal réinvente, elle, la tradition algéroise, plus grave, en revenant à un petit orchestre où les parties ne sont pas jouées parfaitement à l’unisson, et en privilégiant le chant solo. Dotée d’une voix au timbre superbe, lumineux, elle donne à ses nûbas une profondeur rare par la richesse et l’intelligence de ses ornementations pleinement mélodiques. Chantant la séparation (nûba Zîdân) et l’union (nûba Hsîn), elle suggère tout un monde poétique qui ne peut que charmer, au sens fort, l’auditeur.

Culture
Temps de lecture : 2 minutes