Vers un filtrage généralisé ?

Christine Tréguier  • 26 juin 2008 abonné·es

Le gouvernement veut-il que l’Internet français de demain soit censuré «à la chinoise» ? La question se pose, tant les menaces s’amoncellent. Le projet de loi Olivennes, devenu Hadopi puis rebaptisé «Création et Internet» par Christine Albanel, a été présenté au Conseil des ministres du 17~juin. Les avis critiques — émis par le Conseil d’État, la Cnil, l’Isoc ou l’Arcep (Autorité de régulation des télécoms) — convergent pour dénoncer des atteintes inacceptables aux libertés et de trop nombreux arrangements avec le droit et la Constitution. Comme l’obligation de filtrage, dont le Conseil d’État a demandé la suppression. Les modifications du texte n’ont pas suffi à endiguer les explosions de colère –nous y reviendrons.

Autre menace: la charte «Confiance en ligne», que le ministère de l’Intérieur souhaitait faire signer aux fournisseurs d’accès d’ici à juillet. Selon le Forum des droits de l’Internet (FDI), elle s’inspire d’une recommandation émise par lui en 2006. Selon l’association April (membre du FDI), sa présidente, Isabelle Falque Pierrotin, aurait réactualisé le texte sans réunir quiconque. Étrange manière de pratiquer la codécision ! Le projet est un catalogue du pire en matière de contrôle du réseau : filtrage indistinct des contenus préjudiciables aux enfants (pédo-porno-nazi), qui profitera aux maisons de disques, suppression de ces contenus préjudiciables n’ayant pas été actualisés depuis trois mois (une mesure idoine pour contourner le délai de prescription, qui est pour le Net, comme pour la presse, de trois mois après publication), obligation de sécuriser son poste informatique (ce que même les pros ne savent pas faire), etc.

L’accord aurait dû se conclure «à l’amiable», sans passer par la loi, et sans l’avis d’acteurs comme l’Association des services Internet communautaires (Asic) , les internautes étant réduits au rang de quantité négligeable. Pour Michèle Alliot-Marie, c’est seulement une démarche d’«autorégulation» nécessaire pour assurer la lutte contre la cybercriminalité et la protection de l’enfance.

Pour l’April, cette charte est irrecevable : «On est sur des sujets très sérieux, qui touchent à l’enfance et aux réseaux mafieux de pédophiles. On ne peut pas préconiser de fausses solutions qui empireront le mal en obligeant les criminels à les contourner.» Si charte il y a, elle doit respecter les droits des internautes. Théoriquement, le ministère aurait remisé le brouillon dans un tiroir et attendrait que le FDI finisse son travail, avant de reproposer un document aux FAI.

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