Décroître en Catalogne

Serge Latouche  • 3 juillet 2008 abonné·es

Comment traduire localement le projet politique de l’utopie concrète d’une société de décroissance ? Comment résister au rouleau compresseur de la société productiviste mondialisée ? Quelles expériences alternatives ? Fin avril, une cinquantaine d’objecteurs de croissance catalans du Sud et du Nord se rencontraient pour réfléchir à ces questions, à l’abbaye Saint-Michel de Cuxa, à l’initiative du mouvement « Una sola terra », de l’Entesa pel decreixement (Barcelone) et des amis roussillonnais de la revue Entropia (France).
La construction d’une région plus autonome et écologiquement soutenable passe par la remise en question des projets qui détruisent la cohérence du tissu local, saccagent les paysages et finalement sacrifient le bien-être des populations sur l’autel d’un « bien-avoir » abstrait et déterritorialisé : ligne à très haute tension, transfert des eaux du Rhône jusqu’à Barcelone, incinérateur, mise à quatre voies de la nationale 116 entre Ille et Prades, projets routiers entre Catalogne Nord et Sud, etc. Une motion en ce sens a été signée par les participants.

L’abandon d’une logique de croissance illimitée se décline aussi à travers des expérimentations comme les associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap), les écovillages, les biocoop, les expériences de gestion communales soutenables, etc. Pour sensibiliser l’opinion, les objecteurs de croissance veulent renouer avec les racines anti-industrialistes du premier socialisme et du syndicalisme révolutionnaire, qui avait comme mot d’ordre « le refus de parvenir ».
L’écorégionalisme comme cadre d’un programme de décroissance ? L’idée a suscité de vifs débats. Pour se démarquer d’un risque de récupération droitière, on a insisté sur une évidence : les régions dites « naturelles » ne le sont jamais vraiment, mais bien le résultat d’une histoire complexe. La Catalogne est ainsi un ensemble de « biorégions ». L’identité, nécessaire, est toujours plurielle et assumée, sinon choisie. Le caractère résolument moderne de la critique de la modernité se retrouve dans la volonté de dépasser des manichéismes stériles : écocentrisme contre anthropocentrisme, universalisme contre relativisme. L’utopie féconde de la décroissance étant aussi un art de vivre le présent, les journées ont été entrecoupées de moments récréatifs conviviaux : intermèdes musicaux, très beau concert de musique catalane de Maties Mazarico, repas festifs bios et savoureux assurés par Les jardins de l’amitié de Fillols, visite de l’abbaye avec le prieur Daniel Codina. La biocoop de Prades a tenu une superbe table de presse, pour prolonger la réflexion. Les participants, enthousiastes, ont décidé de renouveler l’expérience.

Écologie
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