Du neuf, enfin du neuf !

Denis Sieffert  • 3 juillet 2008 abonné·es

Il se passe quelque chose dans la vie politique française. Avec des agendas différents, et des démarches dissemblables, deux initiatives à gauche rencontrent ces jours-ci un écho grandissant qui témoigne d’un véritable mouvement des consciences. La première étape – réussie – du processus de dépassement de la Ligue communiste révolutionnaire en Nouveau Parti anticapitaliste, comme la mobilisation autour de l’appel de Politis partent du même constat. Un peu plus d’un an après la défaite à une présidentielle que le PS n’aurait jamais dû perdre, chacun à sa façon tire le bilan. Cet échec, dont on mesure aujourd’hui combien il va coûter cher à notre peuple, n’est pas le fruit d’une mauvaise communication ou d’une tactique erronée. Ce sont des digues idéologiques qui ont cédé. Des principes qui ont été jetés aux orties. Des références qui ont été bradées. Certes, les historiens sont là pour nous rappeler Blum et la guerre d’Espagne, Mollet et le colonialisme en Algérie, Mitterrand et la parenthèse libérale jamais refermée, ou Mitterrand et le Rwanda… Le passé est lourd. Mais, bon an mal an, les mots et les références socialistes avaient survécu aux reniements et à quelques crimes. Et le réformisme avait encore un sens. Avec la calamiteuse campagne de 2007, c’est une culture qui s’est enfuie. Ce qui n’est pas peu de chose.

Bref, un seuil a été franchi. Et on voit bien, hélas, que la préparation du congrès de Reims n’augure aucune réaction salutaire. Les arrière-pensées y sont plus aisément perceptibles que la pensée. Tout y sonne faux, hormis l’obsession de se placer sur orbite dans la perspective de 2012. Le plus irritant est cette manie des « candidats à tout » de dénoncer l’ego des autres… Et d’implorer le « débat d’idées ». L’adhésion au néolibéralisme, certes dans une version qui sera toujours moins brutale que celle de Sarkozy, paraît décidément irréversible. Ajoutons que l’incapacité à se rassembler de ceux qui, au sein du PS, se réclament de la critique du libéralisme participe de ce désastre. C’est ce que ressentent tous ceux qui rejoignent le NPA, comme ceux qui signent notre appel et participent à nos réunions, comme ceux qui sont au parti communiste ou dans sa mouvance, ou avec la gauche des Verts, ou chez les Alternatifs. Et bien au-delà : tous ceux qui ne sont « nulle part », et rêvent de la constitution d’une vraie gauche de transformation sociale et écologiste. Au cœur de cette évolution des consciences, il y a aussi la crainte que le mouvement social mobilisé sur tous les fronts ne s’essouffle, faute de perspectives politiques. Il est vrai que l’absence d’alternative transforme chaque bataille contre la politique gouvernementale en acte de pure résistance. C’est tous les jours un peu plus Fort-Alamo. Rien ne dit cependant que la colère ne finira pas par générer un mouvement de grande ampleur. Mais il serait imprudent de s’en remettre entièrement à cette hypothèse.

Dans ce contexte, il faut se féliciter du bon lancement de la fusée NPA. Même si la trajectoire est encore incertaine. Mais cela, évidemment, n’épuise en rien la question d’un « front » de toutes les forces de la gauche antilibérale, NPA compris. D’un pacte signé entre tous pour travailler ensemble, pendant un ou deux ans, à l’élaboration d’un nouveau projet. Il s’agit moins d’un « programme » – évitons les grands mots – que d’un certain nombre de points d’ancrage idéologique qui permettront d’être rapidement audibles par le plus grand nombre. Il appartiendra aux signataires de déterminer dans une réunion nationale, que nous imaginons début octobre, quels seront ces quelques points essentiels à débattre en priorité, et de définir un calendrier. Nous proposerons des étapes intermédiaires de discussion dans le courant du mois de septembre. Un nouveau train de réunions locales devra sans aucun doute avoir lieu. Nous serons à ce grand rendez-vous qu’est la fête de l’ Humanité.
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En attendant, notre appel est fort aujourd’hui de près de dix mille signatures recueillies en six semaines (et pas question de s’arrêter là !) et de dizaines de réunions qui ont passé au crible à peu près toutes les grandes questions « stratégiques » qui se posent à une gauche écologiste et sociale. Celle du positionnement, notamment. Les centaines de signataires que nous avons rencontrés au cours des dix derniers jours nous envoient des messages finalement très homogènes : on ne saurait se satisfaire d’un projet purement protestataire ; nous voulons une très large unité, et un cadre respectueux de la pluralité des cultures et des sensibilités. Enfin, le souci démocratique est omniprésent. C’est la raison pour laquelle nous sommes très attentifs à ne rien « déléguer » pour l’instant. Comme nous l’avons dit en plusieurs circonstances, *Politis
est légitime en raison même de son illégitimité. C’est parce que nous avons vocation à nous retirer de ce processus – dès que celui-ci se sera doté d’une représentation démocratique – que nous pouvons prétendre, très provisoirement, à le représenter.

Une analyse au cordeau, et toujours pédagogique, des grandes questions internationales et politiques qui font l’actualité.

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