In : l’enfer et le paradis

Dante et Claudel au programme d’une édition qui s’annonce métaphysique et joue d’une série d’échos entre les œuvres.

Gilles Costaz  • 3 juillet 2008 abonné·es

« Que faut-il voir à Avignon ? » C’est la question rituelle que pose tout spectateur allant en terre provençale. Et la réponse est difficile car il n’y a pas, à l’affiche, de noms vraiment familiers du grand public. Le temps, pas si lointain, où une Jeanne Moreau ou un Pierre Arditi jouait le spectacle d’ouverture dans la cour d’honneur du palais des Papes est révolu. Les deux directeurs nommés en 2004, Hortense Archambault et Vincent Baudriller, ont mis en place une politique différente, qui repose largement sur l’artiste invité. C’est ce conseiller convié à partager ses choix qui donne la couleur du festival : il ne se soucie pas des goûts du public mais veut faire partager le théâtre et la danse qu’il aime. Or, cette année, il n’y a pas un artiste invité (comme il y avait eu Jan Fabre ou Josef Nadj) mais deux : l’actrice Valérie Dréville, que l’on connaît surtout par sa participation passionnée aux spectacles d’Antoine Vitez et d’Anatoly Vassiliev, et le metteur en scène italien Romeo Castellucci, dont tous les festivals européens s’arrachent les spectacles hallucinés.

« Romeo Castellucci fait un théâtre de l’image et de la vision, Valérie Dréville porte au plus profond d’elle-même sa passion du langage et du texte, explique Vincent Baudriller. Cela crée une expérience pour chacun et pose une certaine énigme pour le spectateur. » L’ouverture n’en a pas moins un petit air classique : ce sera Partage de midi de Claudel, non pas dans la cour d’honneur mais dans la rugueuse et belle carrière Boulbon, à quelques kilomètres de la ville.
Il s’agira, cependant, d’une expérience assez imprévue. Les quatre interprètes, Valérie Dréville, Jean-François Sivadier, Nicolas Bouchaud et Charlotte Clamens, assurent collectivement la mise en scène, sans recourir à un autre artiste.
Romeo Castellucci s’emparera, dès le 5 juillet, de la cour d’honneur pour y donner sa vision de l’Enfer de Dante. En fait, c’est toute la Divine Comédie qu’il retranscrira par des moyens théâtraux. Il donnera dans un autre lieu sa mise en images du Purgatoire. Quant au Paradis, il prendra la forme d’une exposition, d’un parcours dans une église dissoute par une lumière aveuglante. Tout peut arriver avec Castellucci, ce disciple d’Artaud. Le pire ou le meilleur, le choquant ou l’exaltant !
L’ensemble du programme est conçu comme une série d’échos entre les participants : Valérie Dréville lira Dante, se souviendra des grandes rencontres de sa vie. Et, comme une vaste vitrine d’événements européens, avec notamment le Flamand Guy Cassiers et le Lituanien Avis Hermanis. Pour les auteurs francophones, on sera certainement heureux de voir le Libano-Québécois, Wajdi Mouawad – un immense poète – jouer lui-même son texte Seuls , et de retrouver Joël Pommerat venu donner son diptyque Je tremble 1 et 2 . Où sera l’enfer ? Où sera le paradis ?

Culture
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