Le voyage de monsieur Oh

Un coréen du Sud se rend au Nord. Et croque le quotidien des gens sous le règne de Kim Jong Il.

Marion Dumand  • 10 juillet 2008 abonné·es

Que sait-on de la Corée du Nord ? Quasi rien, si ce n’est la dictature et la faim. On peut sortir d’une telle ignorance en lisant deux bandes dessinées. Après le Canadien Guy Delisle et son Pyongyang (L’Association), c’est au tour d’Oh Yeong Jin, un ingénieur et dessinateur sud-coréen, d’ouvrir les portes très fermées d’un des derniers pays communistes. Le Visiteur du Sud, le journal de Monsieur Oh en Corée du Nord nous fait partager le quotidien d’un chantier de coopération et les rares endroits alentour accessibles aux étrangers, où se côtoient tant bien que mal ceux qui sont séparés depuis 1945.

Géographique, politique et technologique, la distance cause de nombreux quiproquos, croqués en courtes saynètes. L’exotisme n’y est pas de mise : simplifiés à l’extrême, les décors laissent toute la place aux personnages. Ligne claire, trait naïf proche de la caricature, les visages semblent des masques expressifs. Effarement, perplexité, tristesse ou rigolade sont autant d’émotions qui traversent ce monsieur Hulot à l’asiatique face à ce qui fut son peuple. Et le lecteur, face à un monde si étranger. Un monde où un panier à vapeur devient radar pour des douaniers, où un klaxon est une insulte aux piétons. Où l’intérêt de Monsieur Oh risque d’être pris pour de l’hostilité ou de la condescendance. Ce qu’il n’est jamais.

Monsieur Oh observe. Il observe des ouvriers qui se goinfrent à midi parce qu’ils arrivent le ventre creux. De douces postières qui se métamorphosent en harpies à l’évocation de « Kim Jong Il », au lieu de « soleil du XXIe siècle ». Il met en scène la peur et la fierté mélangée, les préjugés qui, des deux bords, fabriquent des frères ennemis. Et nous fait partager la tristesse de ce constat. Que ce Visiteur ait été accueilli avec succès dans son pays en adoucit un peu l’amertume.

Culture
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