Non aux mariages forcés

Karine Gantin  • 10 juillet 2008 abonné·es

« Main dans la main contre le mariage forcé » : tel est le nom de la campagne européenne lancée le 14 mai par la municipalité de Rotterdam et la plateforme néerlandaise d’organisations musulmanes Spior (Stichting Platform Islamitische Organisaties Rijnmond), avec le concours de Tariq Ramadan, titulaire de la chaire Identité et Citoyenneté à l’université Erasmus de la ville. Passée par Bruxelles, Madrid, Berlin et Londres, la campagne a fait escale le 7 juin à la Bourse du travail de Saint-Denis. Lors de cette réunion, qui a rassemblé une cinquantaine de personnes, Marianne Vorthoren, de Spior, a rappelé que de nombreuses jeunes filles, de toutes origines, fuguent à la veille des vacances, de peur d’être mariées de force « au pays ». Spior, qui chapeaute les associations musulmanes de Rotterdam, travaille depuis 2004 à prévenir les mariages forcés. En France, la campagne est relayée par le centre culturel musulman Tawhid, le Collectif des musulmans de France et Radio Pastel.

Cette campagne tient du pari, risqué et ambitieux. Plutôt que d’insister sur la citoyenneté des musulmans d’Europe ou de déconstruire les propos islamophobes de certaines polémiques, les organisations musulmanes engagées dans le projet entreprennent de traiter publiquement d’un thème touchant à la sphère privée. Une sphère marquée par le poids des héritages culturels et les contradictions de parcours migratoires douloureux. À Saint-Denis, Mahi Jacob, professeur en religion islamique en Belgique, a décrit la mobilisation comme une contribution des militants musulmans à la dignité humaine. Il a surtout rappelé que l’islam n’appelait pas au mariage forcé mais à des valeurs spirituelles dans le mariage et entre époux. La militante de la Ligue des droits de l’homme Hamida Ben Sadia a relaté son rude parcours – laïque – entre France et Algérie, et son propre mariage forcé [^2]. Distinguant « mariages forcés » et « mariage arrangés », elle a défendu la dignité des parents, aux prises avec des soucis et des stratégies complexes, et protesté contre les discriminations xénophobes qu’ils subissent. Elle a été approuvée par les auditeurs, préoccupés par la question du dialogue intergénérationnel et le risque de détournement islamophobe de l’initiative.

[^2]: Son autobiographie vient de paraître : Itinéraire d’une femme française, Bourin Éditeur, 232 p., 18 euros.

Société
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

« J’aimerais qu’on combatte le système qui rend les étrangers fous »
Témoignage 18 décembre 2025 abonné·es

« J’aimerais qu’on combatte le système qui rend les étrangers fous »

À l’occasion de la Journée internationale des migrants ce 18 décembre, des collectifs appellent à une grève antiraciste, la « Journée sans nous ». Politis a rencontré Ousmane, sans-papiers guinéen. Il raconte la mécanique d’un système « qui profite des sans-papiers » et les pousse à bout.
Par Pauline Migevant
« Le mérite existe-t-il ? » : notre sélection pour aller plus loin
Sélection 17 décembre 2025

« Le mérite existe-t-il ? » : notre sélection pour aller plus loin

Une sélection de la rédaction de Politis, pour compléter la lecture du numéro spécial « Vouloir n’est pas pouvoir. Le mérite extiste-t-il ? », à retrouver sur la boutique en ligne ou sur le site du journal.
Par Politis
Kaoutar Harchi, Dylan Ayissi : « Le mérite est une notion piège »
Entretien 17 décembre 2025 abonné·es

Kaoutar Harchi, Dylan Ayissi : « Le mérite est une notion piège »

Dans un entretien croisé, Kaoutar Harchi, autrice et sociologue, et Dylan Ayissi, président de l’association Une voie pour tous, remettent en question la notion de mérite dans un système scolaire traversé par de profondes inégalités.
Par Kamélia Ouaïssa et Hugo Boursier
PMA, transition : les corps queers à l’épreuve des lois
Analyse 17 décembre 2025 abonné·es

PMA, transition : les corps queers à l’épreuve des lois

En France, les lois qui encadrent les droits reproductifs sont soumises, implicitement, à la logique méritocratique, reproduisant au passage des discriminations homophobes et transphobes.
Par Salomé Dionisi