L’écologie radicale sort du bois

Sur l’invitation des Alter Ekolo d’Auvergne, les principaux groupes d’écologistes radicaux ont amorcé un rassemblement afin de peser sur la recomposition à gauche.

Patrick Piro  • 4 septembre 2008 abonné·es

C’est à Miremont, à l’ouest de Clermont-Ferrand, que les Alter Ekolo d’Auvergne avaient invité les écologistes radicaux, en fin de semaine dernière – covoiturage, camping suggéré, repas bios et locaux pour les 150 participants. Objectif : renforcer le discours de l’écologie radicale pour faire entendre sa voix dans la reconstruction à gauche.
Plusieurs absents pour raisons personnelles, comme la députée verte Martine Billard, ou José Bové, qui, dans un court message, justifie son investissement auprès des Verts de liste « Cohn-Bendit » aux européennes de 2009 (voir Politis n° 1015), « au moment où l’on peut peser sur le débat national et européen » . « Dis-leur que je n’ai pas trahi » , avait-il auparavant soufflé à Francine Bavay, principale animatrice d’Alter Ekolo.
Autres participants très attendus, excusés eux aussi : les communistes unitaires. Le texte qu’ils livrent, signé Jean Brafman, Pierre Laporte et Pierre Zarka, est un petit événement : face à « l’impuissance définitive des partis traditionnels » et à l’échec des Collectifs unitaires à la présidentielle, ils appellent à fonder sans tarder une force « antilibérale, écologique, sociale et démocratique » . « C’est un engagement réel, une prise de conscience définitive, qui a cristallisé cet été » , appuie Pierre Cours-Salies, un proche.
« Nous attendions quatre groupes, il en est venu sept [voir encadré] : l’écologie radicale a gagné du crédit, c’est indéniable » , relève Jean-Michel Duclos, d’Alter Ekolo.
Mais alors qu’émerge le pôle social radical du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) voulu par la LCR, et que les Verts ont agréé il y a deux semaines l’initiative d’un large rassemblement écologiste proposé par Dany Cohn-Bendit – de Bové au Modem –, les écologistes radicaux, qui s’en démarquent, apparaissent soudain bien marginalisés. « Il existe un espace politique inoccupé, à nous de l’investir, mais il s’est réduit » , convient Benoît Magnat, d’Alter Ekolo.
Sans surprise, un consensus émerge assez vite sur un socle de valeurs communes : rejet du productivisme et du consumérisme, condamnation de la croissance, solidarité, critique de la place centrale du travail et du salariat dans la société, promotion du temps libre pour l’épanouissement personnel, respect des personnes dans leur diversité, quête de l’émancipation.

La convocation de Miremont proposait de s’appuyer sur l’Appel de Politis à rassembler la gauche [^2], signé par des membres d’Alter Ekolo, d’Écologie solidaire, des Alternatifs et des objecteurs de croissance. « C’est un cadre neutre, essentiel pour nous permettre de désamorcer nos concurrences » , argumente Francine Bavay, signataire. L’avis est majoritaire, mais pas unanime. Objecteur de croissance, Christian Sunt lui reproche son « faible contenu » et défend, comme signe identitaire, l’appartenance au camp du « non » au référendum sur le Traité constitutionnel européen (TCE) de 2005. « Cette référence est dépassée, rejette François Simon, animateur d’Alternatives en Midi-Pyrénées (AMP). Aujourd’hui, la ligne de clivage, structurante de la recomposition politique que nous attendons, c’est la crise écologique globale. »
L’urgence à agir fait l’unanimité. « Ce que la société attend de nous, ce ne sont pas des débats sémantiques, mais des propositions concrètes pour rompre avec le système, et la capacité de peser pour que l’écologie politique devienne un pilier de la recomposition à gauche » , répète Francine Bavay. « Définissons-nous par l’action, dans les mobilisations » , réclame Eros Sana, de la Zone d’écologie populaire (ZEP).

De fait, Miremont a échappé au syndrome du repli identitaire, prônant déjà l’élargissement quand rien n’a encore été dit sur la structuration de ce pôle d’écologie radicale, et même des alliances. Pourquoi pas avec le NPA, suggèrent certains, signalant que les débats écologiques y sont de qualité ? Non-sens, conteste Michel Bourgain, maire Vert de l’Île-Saint-Denis (93) : « S’accorder en préambule sur la finitude du monde impose de rejeter définitivement une pensée qui voit encore le bonheur dans l’abondance ! »
Mais c’est l’horizon des européennes qui a enflammé les échanges. Les objecteurs de croissance refusent majoritairement d’y participer. François Simon prévoit un résultat de « mort-né » en cas de listes autonomes. « Mais nous aurions tort de négliger cette échéance pour nous faire entendre », riposte Michel Bourgain. Chez Alter Ekolo, certains verraient bien l’écologie radicale négocier une place dans l’arc Cohn-Bendit, la présence de Bové étant le signe que son centre de gravité peut pencher à gauche.
Les participants ont rédigé une « déclaration de Miremont » affirmant la volonté de créer « un front d’écologie anticapitaliste, antiproductiviste et altermondialiste » , et ont instauré un comité de liaison. L’initiative sera notamment présentée le 11 octobre lors du rassemblement des signataires de l’Appel de Politis.

[^2]: Voir Politis n° 1002, et le site .

Écologie
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