« Non à l’alliance avec Cohn-Bendit et Hulot »

Porte-parole de la campagne Bové en 2007, membre des collectifs unitaires
pour une alternative
au libéralisme, Yves Salesse* dénonce ici
le rapprochement ébauché au cours
de la récente université d’été des Verts.

Yves Salesse  • 18 septembre 2008 abonné·es

Aux « Matins de France Culture », le 9 septembre, Daniel Cohn-Bendit a indiqué que son projet de liste commune largement ouverte, notamment avec les amis de Nicolas Hulot et José Bové, était en bonne voie. Le contenu de l’accord serait réglé pour l’essentiel. Relevons quelques-uns de ses propos, notés au vol. Aucune surprise. Mais il est intéressant qu’ils soient tenus dans ce contexte.
Cohn-Bendit a rappelé son combat pour l’ouverture au marché du secteur de ­l’énergie et a promis de combattre une gauche qui proposerait des « nationalisations » : entendons une réappropriation publique des entreprises privatisées et livrées aux firmes transnationales. Il justifie cette position par l’intérêt de la concurrence, les vertus du marché, qu’il faut seulement tenter de réguler. Il aurait pu nuancer un peu, faire état des résultats négatifs observés. Rien. Les mots « service public » n’ont pas été prononcés. Soutien aux politiques de libéralisation et de privatisations.

Aucune critique non plus de la présidence française de l’Union. Les ministres français sont très actifs à Bruxelles, et Jean-Pierre Jouyet est remarquable. Même une perche tendue par le journaliste sur les priorités de Nicolas Sarkozy pour cette présidence n’a suscité la moindre réaction. Rien à dire sur l’absence de toute proposition pour l’Europe sociale, sur le durcissement de la politique d’immigration, sur la soumission croissante à l’Otan, sur la pauvreté du plan climat-énergie. Aucune référence aux mobilisations prévues sur ces sujets, aux propositions alternatives.

Et le traité constitutionnel, combattu par José Bové ? Cohn-Bendit a discuté avec lui et a découvert qu’il n’est pas nationaliste, et qu’il est même favorable à l’existence de l’Europe ! Cela montre le sérieux du personnage : apparemment, il n’a jamais pris la peine de lire nos propositions. Mais cette découverte ne change rien. De ses conversations avec Bové, il tire la conviction que « ceux qui ont été aveugles sur le TCE peuvent ouvrir les yeux ». Qu’il se prenne pour Jésus est amusant. Reste le message : pas de remise en cause, pas de débat, que les aveugles ouvrent les yeux. S’il n’a pas repris ses diatribes passées contre tout référendum sur les questions euro­péennes, il a affirmé que les Irlandais devaient ratifier le traité de Lisbonne ou quitter l’Union. Le fossé avec lui est immense sur l’Europe, mais aussi, tout simplement, sur la démocratie.
Les amis de Nicolas Hulot sont favorables à une alliance avec les écologistes de droite. Cohn-Bendit va plus loin. De longue date partisan du rapprochement avec François Bayrou au nom de « l’idéal européen », il a prôné l’alliance avec le Modem aux municipales. Il a enfoncé le clou sur France Culture en rappelant sa bataille pour l’alliance à Hambourg avec la droite d’Angela Merkel. Il ne s’agit plus seulement d’écologie, mais d’alliance sur la politique d’ensemble.
On dit que, pour justifier son intérêt, José Bové aurait vanté « la beauté du compromis » . Quel compromis avec ce que Cohn-Bendit vient de réaffirmer ainsi clairement ? Pour le succès de la manœuvre, il pourra faire des déclarations plus floues, accepter un camouflage tactique. Il importera de garder ces déclarations à l’esprit.
L’opération a une logique profonde. Au nom d’une Europe indéfinie, faire accepter l’actuelle construction européenne. Au nom de l’urgence écologique, relativiser la question sociale et ouvrir les alliances à droite. Au nom du réalisme, faire croire que l’écologie est compatible avec le capitalisme. Au nom de tout cela, justifier le mépris de la souveraineté populaire.
La coordination nationale des collectifs unitaires, réunie les 6 et 7 septembre, a adopté une motion disant « non à cette opération totalement contradictoire avec nos objectifs » . Elle a renouvelé son appel à la constitution, pour les élections au Parlement européen, de « listes de large union des partisans d’une Europe sociale, démocratique et écologique en rupture avec la domination des marchés financiers et la mondialisation libérale » , et « propose à toutes les forces de gauche qui ont dit non au TCE en 2005 et qui ont refusé la ratification antidémocratique du traité de Lisbonne en 2008 d’engager sans attendre des discussions dans cette perspective ».

Politique
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