Pris de court

Outre les craintes propres à chaque rentrée, les dernières réformes nourrissent des inquiétudes manifestes chez les acteurs de l’école publique. Témoignages.

Samuel Lehoux  • 4 septembre 2008 abonné·es

Collège Pulitzer à La Courneuve (93)

Pour sa neuvième rentrée à Pulitzer, Volker Kuhn se prépare à une année délicate. Le ton était donné dès juin avec « la réunion de recensement des professeurs volontaires pour faire des heures supplémentaires ». Ce professeur d’allemand y a vu non seulement « un risque de scission dans l’équipe enseignante » , mais aussi un moyen comptable pour l’administration « de savoir à l’avance le nombre de postes fixes dont elle devra se passer ». Aujourd’hui, il dénonce « une pression pédagogique supplémentaire » induite par les nouveaux objectifs des circulaires, notamment si l’on refuse d’assurer des heures supplémentaires. En langues, par exemple, avec « les nouvelles normes européennes de compétences pour les élèves, il faudra prendre sur son temps pour organiser et adapter les méthodes d’enseignement » . Selon lui, « sans véritables moyens supplémentaires », ces directives apparaissent finalement comme « une forme de démagogie ».

École Jules-Ferry à Brive-la-Gaillarde (19)

La rentrée en primaire est pleine d’interrogations. Alain Eymard, professeur des écoles depuis trente-deux ans, se demande « comment [il va] faire avec la semaine de quatre jours » et ces « deux heures en moins qui vont forcément manquer » à ses élèves de CM2. Si on ajoute à cela les nouveaux programmes « qui recentrent le travail sur les matières dites fondamentales » , et « les tests d’évaluation prévus cette année en français et en mathématiques » , « les activités de connaissance du monde en feront les frais ». Un sacrifice d’autant plus dommageable que le programme impose de passer du temps à « l’instruction de la morale sous forme de séquences systématiques » . Une exigence « un peu gênante voire inutile, la morale se situant dans la vie quotidienne de l’école » . Pour ce qui est de la nouvelle organisation de la semaine et des heures de soutien scolaire, Alain Eymard affirme qu’il « faudra bien s’arranger », tout en regrettant ce changement imposé « dans l’urgence, sans concertation préalable avec les enseignants et les collectivités ».

Un collège rural dans la Marne (51)

Pour Mme T., conseillère principale d’éducation dans un collège rural de la Marne, cette rentrée se fait dans la précipitation. « Prise de court par la généralisation du dispositif dit d’accompagnement éducatif – une nouvelle réforme imposée à la va-vite, sans trop d’explication ni de temps prévu pour la concrétiser » –, l’équipe doit organiser « des cours de soutien et autres ateliers éducatifs, à partir des personnels volontaires » . Comme le relève cette CPE, Xavier Darcos affirmait la semaine dernière : « Chacun trouvera des solutions. » Dans son établissement, on a effectivement prévu de proposer quelques ateliers en fin de journée ; sauf qu’une « une bonne partie des élèves ne pourront pas y participer à cause des transports scolaires, comme ce sera malheureusement le cas dans de nombreux collèges de campagne ».

Lycée Roosevelt à Reims (51)

« Comme dans beaucoup d’autres établissements » , Aurore Rambourg, professeur d’anglais et déléguée syndicale du Snes, souligne que, malgré des « effectifs stables » , l’année scolaire démarre dans cet établissement avec « sept postes en moins » . Ainsi, « il faudra faire sans le technicien informatique pour gérer le grand réseau de 900 postes » . « Les heures supplémentaires » , elles, « se cumulent et se généralisent ». Tout en étant contre le principe, ce professeur regrette qu’elles ne soient « pas attribuées aux dédoublements de classes difficiles ». À propos de l’assouplissement de la carte scolaire, même si, « à Roosevelt, l’équilibre entre les élèves sectorisés et les dérogations se maintient », Aurore Rambourg entrevoit « la fin de certains établissements, au sein desquels la mixité sociale deviendra impossible ».

Société
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