Appel de Politis : ce qu’ils en disent….

Patrick Piro  et  Jean-Baptiste Quiot  • 16 octobre 2008 abonné·es

Vincent Pellard, 20 ans, étudiant, Auxerre (89)

« Je n’ai que 20 ans, mais j’ai déjà de la bouteille en politique. Faut dire que j’ai appris à lire avec l’Huma ! Puis, à 13 ans, j’ai fait parti du mouvement des jeunes communistes. Mais 2002, avec l’arrivée de Le Pen au second tour de la présidentielle, a été pour moi un cataclysme. C’est pourquoi, bien que militant alors au PC, je me suis engagé en 2007 pour une candidature unitaire issue des collectifs antilibéraux. Maintenant, j’observe avec intérêt les démarches du NPA et de l’Appel de Politis. La première me semble davantage portée sur l’action parce que plus médiatique. La seconde sur l’analyse. Je pense en tout cas qu’elles sont complémentaires. Je souhaite que la réunion d’aujourd’hui aboutisse à un socle commun de discussion pour qu’à l’avenir l’unité de la gauche soit enfin possible et que, peut-être, émerge un « Die Linke » à la française. »

Fatma Drissi, 29 ans, responsable à la Sécurité sociale, Clermont-Ferrand (63)

« Je suis venue aujourd’hui en tant que simple observatrice. J’ai une formation en science politique et je me suis toujours sentie à gauche. Jusqu’à maintenant, je n’ai eu aucun engagement particulier, ni dans un parti ni dans une association. Mais je crois que le moment est venu de changer les choses et de réenchanter le monde. Concrètement, j’ai des attentes sur le contenu politique de l’appel : comment se différencier du PS ? Comment s’organiser ? Et surtout, faut-il s’inscrire dans un processus électoral de prise de pouvoir ou se contenter de construire une opposition solide ? Par ailleurs, je me méfie des exhortations à l’unité. Et j’en ai entendu un grand nombre aujourd’hui. Même si tout le monde semble d’accord sur les objectifs, la division reste, à mon sens, patente. C’est dommage car la crise actuelle exige que nous dépassions les discussions programmatiques et que nous nous tournions vers l’action. »

Nicolas Tanné, 28 ans, chercheur d’emploi, Romainville (93)

« J’ai d’abord été militant au PS puis je suis entré au parti communiste de Montreuil. Enfin, j’ai rejoint les communistes unitaires. Mon intérêt pour la politique remonte à longtemps. C’est grâce à ma mère, qui m’a élevé de manière libertaire et avec laquelle j’ai toujours parlé de politique et de philosophie. « La politique est l’affaire de tous », voilà ce que j’ai retenu de nos discussions. Et c’est pourquoi j’attends aujourd’hui un rassemblement à gauche large et sans exclusion. Cinq listes à la gauche du PS aux élections, c’est absurde et cela doit cesser. Deux principes me tiennent à cœur : la laïcité et la République, qui représente à la fois une utopie et une réalité à partir de laquelle on peut agir. Pour moi, la réunion d’aujourd’hui doit montrer clairement que notre mouvement ne cherche pas à dominer mais au contraire à permettre et à coordonner les échanges. »

Corinne Morel-Darleux, 35 ans, sans emploi, Die (26)

«J’ai adhéré au PS car je voulais peser sur le choix du candidat à la présidentielle. C’est cette démarche qui m’a conduite à rejoindre Utopia, un mouvement trans-partis qui dépose aujourd’hui une motion au PS mais aussi chez les Verts. Selon moi, il ne faut pas délaisser les partis mais faire en sorte que les citoyens les réinvestissent. J’attends un rassemblement de toutes les sensibilités aujourd’hui inaudibles parce que trop dispersées et isolées. L’Appel de Politis me semble prometteur car il prône l’ouverture et affiche une volonté d’être majoritaire en se confrontant aux électeurs. Je pense que si le compromis est possible chez nous, les radicaux, il est aussi possible d’un point de vue majoritaire. Surtout que les convergences existent déjà. L’Appel doit maintenant accélérer les choses. Je crois que 2009 sera une année décisive, même si les élections européennes arrivent un peu tôt pour nous. »

Laurent Carius, 58 ans, médecin, Cergy (95)

« J’ai été maire adjoint pendant sept ans, du temps de la gauche plurielle. Mais j’ai vite compris que, plutôt que plurielle, cette gauche était unique. Depuis les débuts de mon engagement politique, qui remontent à la guerre d’Algérie, j’ai eu une préoccupation : ne pas abandonner la chose publique aux “professionnels” de la politique. L’État doit rester du côté des citoyens et gommer les inégalités. C’est pourquoi j’ai signé l’Appel de Politis . Ce que j’attends, c’est un rassemblement le plus complet possible de tous ceux qui s’opposent aux décisions de l’Europe libérale. Il faut qu’un mouvement naisse et rappelle au peuple que la France a toujours été un grand pays porteur de valeurs universelles, qui ne doit pas sombrer dans le capitalisme outrancier. Pour cela, il nous faut oublier nos différences et cultiver nos convergences. Car demain, il sera peut-être déjà trop tard. »
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Farissa Bensalem, 27 ans,
employée au service de soutien scolaire, Gennevilliers (92)**

« La politique ? Je suis fille d’Algériens, j’ai baigné depuis mon enfance dans les débats sur la situation du pays. Ça m’a donné envie de m’engager. J’ai été porte-parole du conseil local des jeunes de Gennevilliers et “repérée” dans la ville. On m’a sollicitée pour rejoindre la liste du maire PCF Jacques Bourgoin, réélu en mars dernier. J’ai décliné : il faut assurer derrière, et la vie privée passe à la trappe. D’ailleurs, je ne suis pas encartée. J’aime pouvoir rencontrer tout le monde. J’ai plusieurs fois voté Besancenot, mais je ne crache pas sur la réforme de l’Éducation nationale de Xavier Darcos. C’est important de voir ici tous ces acteurs de la gauche autour d’une table.
Et c’est important aussi que ça se passe en banlieue. C’est une occasion de resserrer les liens de solidarité entre nous. »

René, Janine et Laurent Moustard, 73, 76 et 46 ans, professeurs d’éducation physique, Vitry-sur-Seine (94)

Janine : « Nous sommes venus en famille par hasard. Mais je crois que tous les trois, nous en avons marre de ce “Moyen-Âge moderne”. Cependant, à l’époque, les paysans voyaient où étaient les riches. Aujourd’hui, on ne les voit plus. Moi je veux savoir. C’est pourquoi je suis venue aussi pour écouter les économistes. »
René : « J’ai un long passé d’engagement politique, associatif et syndical. Je suis venu car je souhaite qu’émerge une nouvelle façon de faire de la politique, plus proche des citoyens et des mouvements associatifs et syndicaux. C’est pourquoi je suis signataire de l’Appel, avec ses limites. Ce sont justement ces limites qui donnent la possibilité de s’y trouver à l’aise : on n’a pas à se trouver d’un côté ou d’un autre. Mais les discours ne suffisent pas. J’attends qu’une véritable force politique à la fois claire et ouverte apparaisse. »
Laurent : « Je n’ai jamais milité dans un parti. Je viens du mouvement associatif et je travaille sur un projet d’émancipation à travers le sport. Je souhaite que la réunion pose la question des mots. Quels sont les mots qui parlent aux citoyens ? Il y a un travail philosophique à mener pour pouvoir parler à la majorité. Il faut trouver des formules qui renversent celles de Nicolas Sarkozy. Quels sont les mots nouveaux pour une société nouvelle ? »

François Souty, 23 ans,
ingénieur, Fontenay-aux-Roses (92)

« Je viens d’avoir mon diplôme, j’ai choisi d’aller faire un stage dans un laboratoire de recherche sur le réchauffement climatique. C’est ma première réunion politique. Moi, les partis… Je suis proche des idées de la décroissance, je pense qu’il faut une rupture radicale. Je connais Politis depuis le début de l’année, et j’apprécie le principe d’ouverture de l’Appel à rassembler à gauche. Je suis venu pour comprendre où se situent les clivages entre les personnes. »

Farid Bennaï,
40 ans, travailleur social, Athis-Mons (91)

« Je suis issu de l’histoire du colonialisme et des luttes de l’immigration. Je vis dans un des quartiers populaires dits “sensibles”. L’antiracisme est une question qui me tient à cœur. C’est pourquoi je me suis accroché aux wagons de la politique à l’occasion de la campagne de José Bové. Après cela, j’ai fait parti de la coordination nationale des collectifs antilibéraux et je me suis présenté comme tête de liste aux élections municipales à Athis-Mons. Ce sont ces mêmes questions qui m’amènent aujourd’hui à cette réunion. Elle représente également un cadre très intéressant de formation et d’éducation populaire. Cependant, je n’ai pas encore signé l’Appel. J’attends que les thèmes d’égalité, de discrimination, de droit de vote des étrangers et de régularisation des sans-papiers ne soient pas seulement des questions périphériques mais centrales. Il ne faut pas oublier que les minorités subissent plus fortement les inégalités. Si ces questions n’apparaissent pas comme fondamentales, je ne signerai pas. »

Charlotte Dejean,
27 ans, enseignante, Lyon (69)

« Ce sont les suppressions de postes aux concours de l’enseignement qui m’ont amenée à m’engager politiquement. Je suis également préoccupée par les questions écologiques et sociales. Après avoir soutenu Bové lors de l’élection présidentielle, je ne savais plus vers quel parti me tourner. Je ne voulais ni de Buffet ni de Besancenot. L’initiative de Politis m’a paru intéressante car elle permet à la gauche de se réunir à nouveau. Je ne sais pas trop où ça va aboutir, mais je pense que plus nous avons d’occasions de nous rencontrer, plus nous nous connaîtrons et serons aptes à travailler ensemble. La politique est liée au dire. Elle se fait en parlant, et ce n’est pas perdre son temps que de discuter. J’attends justement de cette réunion beaucoup de discussions qui permettent de se mettre d’accord, mais aussi de renforcer les initiatives qui existent déjà. »

Daniel Walter, 58 ans, ouvrier au chômage, Saint-Amarin (68)

« J’ai usé mes fonds de culotte sur les fronts d’opposition depuis trente-cinq ans. Je soutiens Politis depuis le début mais je n’ai pas encore signé l’Appel parce que je crains la tournure que certains veulent lui faire prendre. Moi, je ne veux pas aider des vieux chevaux de labour à redevenir des chevaux de course. Et je n’ai pas envie non plus d’une nouvelle liste électorale, parce qu’une fois l’élection remportée, les promesses sont vite oubliées. Les élections, ça n’a jamais rien changé et, de toute façon, avoir dix élus, ce n’est rien. J’attends qu’on fasse renaître le mouvement social. Si tout le monde descend dans la rue, le gouvernement ne tiendra pas une semaine. Il faut parler aux chômeurs, aux précaires et aux quartiers ! En attendant, c’est utile, la confrontation des idées. Et je suis confiant : par la force des choses, les gens vont finir par nous entendre. »

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