Qui sont-ils ?

Qui se cache derrière les Enfants de Don Quichotte ? Une famille, une bande de copains ? Surtout deux frères qui ont poussé loin l’investissement personnel et se passent le relais.

Ingrid Merckx  • 23 octobre 2008 abonné·es

«On est un gang, enfin… une bande de potes », se reprend Augustin Legrand. Fatigué d’avoir entendu dire que les Don Quichotte n’étaient qu’une affaire de famille. Car la famille a vu courir bien des rumeurs. De fait, la tribu Legrand était au complet sur le canal Saint-Martin, ou presque. Les ­frères, les sœurs… La mère, Armelle, qui s’est beaucoup impliquée, a participé ensuite aux ­réunions de sortie de crise, et reste membre actif des Enfants du canal. Discrète Don Quichotte que beaucoup jugent « épatante » … Le père, c’est celui à qui Augustin aurait voulu répondre en descendant dans la rue : « Il est du genre à penser que les sans-abri, c’est un peu de leur faute… » La fille, c’est sa gamine qu’il n’a pas envie de voir grandir dans une société qui met les gens à la rue. « Je dis souvent qu’il faut réagir en bon père de famille », ricane ce « géant » de 33 ans, entre sincérité et provocation. « Mais cela a un sens juridique », ajoute-t-il aussitôt. Il le sait, il a fait des études de droit avant d’être comédien.

Pas une histoire de famille ? Au sens large, alors. Car, pour ce second de six enfants, élevés dans le Loiret jusqu’au divorce des parents, son frère Jean-Baptiste, de deux ans son cadet, compte aussi « parmi ses meilleurs amis » . Tout comme son beau-frère, Ronan Dénécé, troisième réalisateur du film Enfants de Don Quichotte (acte I). « Les Enfants de Don Quichotte, au départ, c’était surtout Pascal et moi » , se souvient Augustin. Pascal Oumaklouf, 38 ans, comédien également. On les voit ensemble au début du film. Ils marchent sur le pont des Arts à Paris, comptant le nombre de tentes qu’on pourrait mettre, renonçant à cause de la hauteur. Ils sont de dos. Deux silhouettes. L’une de deux mètres et quelque. L’autre plus basse. Don Quichotte et Sancho Panza sans leurs montures… C’est de là que serait venu le nom de l’association. Même s’ils ne se souviennent plus bien.
« Ce n’est même pas né un soir dans un bar…, rigole Jean-Baptiste Legrand. Don Quichotte est un héros idéaliste mais nous, on ne se bat pas contre des moulins à vent. Nous sommes des enfants qui ont retenu la leçon ! » Martin Choutet, spécialiste du Secours catholique, s’est éloigné du noyau dur. S’ils peuvent être nombreux quand ils ­lancent une action, les Enfants de Don Quichotte, aujourd’hui, c’est surtout les frères Legrand. Et plus encore Augustin que Jean-Baptiste. Celui-ci, plus discret, plus réfléchi, a suivi son grand frère sur le canal, a pris la tête de l’association quand Augustin a quitté le campement pour un tournage, s’est impliqué dans les comités de suivi du Dalo et du Parsa, dans le Collectif des associations unies. Mais, depuis quelques mois, il a repris son travail de producteur. Parce qu’il y avait leur film à monter et à sortir. Parce qu’être Don Quichotte, ça ne nourrit pas son homme, quoi qu’on en dise. Ils y sont même de leur poche. Et voudraient bien renvoyer la balle à ceux qui les ont aidés. Avec les médias, ils se sont débrouillés comme ils ont pu. Ne connaissaient personne. Ont commencé par des coups de fil. Ont récolté des numéros. Sont passés aux textos, puis aux mails. Pas franchement pour la gloire : Augustin manque d’opportunités de tournage – son image ferait peur ? Les a peut-être moins cherchées aussi. Comment continuer à travailler comme avant, après “l’expérience Don Quichotte” ? Ils réfléchissent à un mode de professionnalisation via l’association. Jean-Baptiste se dit plutôt proche du mouvement altermondialiste. Pas Augustin, qui avoue « un vrai problème de citoyenneté » : il ne va pas voter. En même temps, la seule étiquette qu’ils revendiquent, c’est celle de « citoyen ». Un peu personne. Un peu tout le monde. Comme ceux qu’ils voudraient voir descendre aux côtés des exclus, dans la rue.

Société
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