À la santé de Shakespeare

À Dijon, Matthias Langhoff fait de « Hamlet » un délirant cabaret plein de vie et de surprises.

Gilles Costaz  • 27 novembre 2008 abonné·es

Avec la prise en main du Centre dramatique de Bourgogne par François Chattot, le climat théâtral à Dijon est passé de l’austérité à l’agitation partageuse. Car ce grand, cet immense comédien qu’est Chattot est un artiste qui aime le public, multiplie les spectacles et les rencontres, fait fuir l’esprit de sérieux, accumule les effets de surprise, court sans s’essouffler des farces médiévales à la littérature contemporaine. Comme il a souvent travaillé avec le metteur en scène français d’origine allemande Matthias Langhoff, Chattot a invité ce dernier à mettre en scène Hamlet.
Voilà qui est fait mais, là aussi, l’étonnement est au rendez-vous. La pièce ne s’appelle plus Hamlet, comme indiqué sur le programme, mais En manteau rouge le matin traverse la rosée qui sur son passage paraît du sang. Beau titre, encombrant sur une affiche, mais de Shakespeare, puisque emprunté au dialogue de la pièce.

Langhoff monte, selon sa formule, un « cabaret Hamlet ». Dans l’ancienne église où ont lieu les représentations, l’aire de jeu dessinée par Langhoff se démultiplie avec une alvéole centrale, une scène colorée pour orchestre, une passerelle en équerre qui passe parmi les spectateurs des premiers rangs, des projections de tableaux qui changent sans cesse l’atmosphère graphique. Mais plus qu’une grosse machine, c’est un artisanat théâtral varié qui se met en œuvre. L’imagination et l’énergie sont au pouvoir. François Chattot incarne Hamlet en colosse, une jambe dans une culotte courte et l’autre dans un pantalon long. De sa voix percutante, il fait sonner les répliques assassines du prince du Danemark et, dans un tourbillon, va à la rencontre des autres personnages, une Ophélie plantureuse, une Gertrude en robe lamée, une Horatia remplaçant Horatio, un Polonius black et un Claudius guindé comme un professeur pontifiant.

La pièce, retraduite par Jörn Cambreleng, est vraiment jouée mais entrelardée de numéros de tous ordres. On chante en anglais, en allemand. « Être ou ne pas être » est mis sur toutes sortes de musiques. L’orchestre se déchaîne sur différents tons et récupère le cheval gris venu jouer dans l’une des premières scènes, qui se place sagement parmi les instrumentistes. Il y a aussi une meneuse de revue peu vêtue avec une rose noire sur le sexe. Ce furieux charivari ne connaîtra pas de temps mort et se prolongera jusqu’à l’envol des personnages happés par des cordes.
En manteau rouge… mêle les générations. Chattot et Langhoff retrouvent leurs camarades, le décorateur Jean-Marc Stehlé intervenant ici comme acteur, les comédiens Jean-Claude Jay, Agnès Dewitte, Emmanuelle Wion. Ils sont rejoints par de nouveaux venus, Patricia Pottier, Anatole Koama… Ces quatre heures gagneraient à être resserrées mais elles ont la santé furieuse du théâtre qui empêche le monde de tourner en rond.

En manteau rouge…, Théâtre Dijon-Bourgogne, 03 80 30 12 12. Jusqu’au 6 décembre, puis en tournée.

Culture
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