Brennilis, meilleurs souvenirs

Patrick Piro  • 6 novembre 2008 abonné·es

Illustration - Brennilis, meilleurs souvenirs

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Ça vous dit quoi, Brennilis ? Vaguement, un bout de l’histoire du nucléaire et de la naissance des mouvements écologistes. Le petit réacteur expérimental à eau lourde, verrue au milieu des monts d’Arrée, dans le Finistère, a fonctionné – avec des ennuis – à partir de 1967. Il est définitivement arrêté depuis 1985. Oui, mais voilà, ce n’est pas comme un cadavre de haut-fourneau qui rouille pépère dans les graminées. Car la radioactivité est là pour des siècles, prête à se faire la belle par le béton poreux ou les ruissellements, ou déjà accumulée dehors, legs de rejets anciens.
C’est une sensation forte, devant le documentaire de Brigitte Chevet, Brennilis, la centrale qui ne voulait pas s’éteindre : le nucléaire, terrible piège, a la mémoire bien plus longue que les humains. Et Brennilis, même vestige d’une filière obsolète, reste pionnière, n’en déplaise : car il faut désormais passer au « démantèlement ». EDF voulait en faire une vitrine. C’est raté. Le budget explose. Et, surtout, les écologistes du Réseau sortir du nucléaire ont réussi à faire invalider le chantier. Un comble ? Au contraire. La précipitation d’EDF, à partir de 2006, ne visait-elle pas à escamoter des pollutions radioactives, dont la population n’a jamais été informée ?
Quatre années de collecte patiente nous livrent un documentaire remarquable, malgré la difficulté d’approcher la centrale, et donnent un mouvement surprenant à un sujet qu’on aurait cru figé. Avec une récompense à la pugnacité de Brigitte Chevet : une scène d’engueulade de la direction de la centrale par des inspecteurs de l’Autorité de sûreté nucléaire, mécontents des approximations du chantier.

Cateneau, de justesse

Là, c’est un docufiction. Cateneau évoque la centrale de Cattenom (en Lorraine). Alain Moreau (auteur) et François Luciani (réalisateur) tentent un exercice inédit et délicat : raconter pour la télé un incident (accident) nucléaire, maîtrisé de justesse. C’est moyennement réussi, alourdi par quelques caricatures. Inéluctable gagne de l’épaisseur quand l’argument s’exprime dans le huis clos de la centrale et autour : « Que se passe-t-il, que nous cache-t-on, que fait-on ? » À considérer à la lecture de l’avertissement conclusif : « Les centrales nucléaires françaises connaissent chaque année environ une vingtaine de scénarios potentiellement catastrophiques qui n’ont pas été considérés lors de la conception des 58 réacteurs en activité sur le territoire. » Conseiller technique de ce film, notre collaborateur Claude-Marie Vadrot a repris sa liberté d’auteur en développant l’idée dans un roman, détaillant les étapes d’une crise qui conduirait certainement à un vaste chaos en situation réelle, et faisant peser deux protagonistes quasi absents de la version télé : les écologistes et les journalistes.

Écologie
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