« Le logement social peut nous faire sortir de la crise »

Jean Naem, président d’un cabinet de conseil dédié au logement social, et quatre élus de divers bords*, enjoignent le président de la République
à respecter l’engagement de construction de 500 000
logements
par an, dont 120 000 sociaux,
et réclament un « Matignon du logement ».

Politis  • 20 novembre 2008 abonné·es

Notre pays manque aujourd’hui encore de plus d’un million de logements. Cette année risque d’être une année noire pour ce que Christine Boutin nomme elle-même une « cause nationale » . L’ensemble des indicateurs économiques, politiques ou budgétaires converge vers le chiffre prévisionnel de 300 000 logements construits, l’un des plus bas de ces dernières années. Pour les élus locaux que nous sommes, de gauche ou de droite, cette situation ne peut laisser indifférents. Elle appelle mobilisation, volontarisme et, bien évidemment, une dynamique de proposition que nous ­sommes prêts à assumer conjointement.
Nous souhaitons que le maximum soit fait pour que l’objectif érigé au rang des engagements de 500 000 logements par an (dont 120 000 sociaux) demeure réalisable. Pour cela, le gouvernement doit décider de mobiliser toutes les énergies. Nous, élus de terrain, en prise chaque jour avec les difficultés liées au manque cruel de toits pour nos concitoyens, en première ligne sur les dossiers et les programmes de construction, sommes prêts à l’y aider.

Illustration - « Le logement social peut nous faire sortir de la crise »


Cette année risque d’être une année noire pour ce que Christine Boutin nomme elle-même une « cause nationale ». Zoccolan/AFP

L’annonce récente d’une mobilisation pour la réalisation de 30 000 logements peut être le point de départ d’une démarche nouvelle concernant la politique de logement. 30 000 habitations avec « décote » sur le rachat afin de permettre aux opérations n’ayant pu trouver suffisamment d’acquéreurs de se conclure au profit du parc locatif, nous disons chiche ! Un logement non sorti de terre, c’est un ou deux chômeurs en plus, et un toit en moins. Il faut dépasser l’effet d’annonce et agir concrètement à l’échelle de la nation.

Faire plus, parce qu’aujourd’hui ce ne sont pas seulement 30 000 logements qui ne ­trouvent pas acquéreur, mais plus du double, gelant, de fait, des centaines de projets de chantier. Ce n’est pas seulement pour soutenir l’activité des constructeurs et autres promoteurs qu’il convient d’agir, d’autant que les prix de rachat seront au centre des négociations dans un rapport de force évidemment en faveur de la puissance publique. Il faut agir avant tout par réalisme et recherche d’efficacité dans l’intérêt de nos concitoyens. Nul n’a intérêt, au regard de la situation qui est la nôtre, à voir arrêter à l’état de plan des dizaines de milliers d’habitats. Pour faire plus, il ne suffit pas de sonner la charge de l’achat, le bras armé de la Caisse des dépôts et de la Société nationale immobilière, à qui l’on demande du jour au lendemain de se porter acquéreur de 10 000 logements sur les 30 000. Cette opération ne doit pas lancer une compétition entre les grands opérateurs de la chaîne, ni gagnants ni perdants. Il faut que tous les bailleurs sociaux soient mobilisés, que les promoteurs achèvent leurs programmes et en lancent d’autres, que les employés du bâtiment travaillent, et que les Français trouvent à se loger à un prix abordable.

Nous appelons de nos vœux un plan global, un sommet ou une conférence d’urgence, un « Matignon du logement » mobilisant l’ensemble des acteurs : collectivités territoriales, bailleurs sociaux, professionnels du bâtiment, dirigeants du 1 %… Cela, afin de concevoir ensemble comment, sous quels critères, avec quels objectifs précis et par quel type de bailleurs, doivent se faire les reprises.
Nous sommes sûrs que, si le volontarisme politique est au rendez-vous de l’exigence de résultat que la crise actuelle nous commande, nous arriverons alors à sauver bien plus de 30 000 logements ! Pour faire mieux, il faut ramener la confiance dans le monde des acteurs du logement et suspendre tout ce qui aujourd’hui est facteur de divisions, de tensions et d’oppositions, et qui n’est pas porteur de résultats tangibles à court terme. Finalement, faire plus et faire mieux, c’est considérer l’épisode des « 30 000 » comme une étape de ce qui ne doit pas devenir une utopie, mais rester un engagement national de 500 000 logements par an.

Temps de lecture : 4 minutes